Le souci authentique
Conférence donnée par Jaya Yogacharya en cours de méditation du vend 26 juin 2015
Nous voilà réunis pour la dernière méditation avant les vacances. C’est l’occasion de faire un bilan sur le travail fait cette année. Nous avons beaucoup parlé de techniques d’éveil de l’ajna chakra (voir les conférences précédentes) et si vous avez pratiqué chez vous régulièrement les pratiques méditatives enseignées au centre, alors vous devez pouvoir mesurer vos progrès de façon quantifiable.
Nous allons revenir à des concepts plus psychologiques en terme d’éveil de la conscience.
Lorsqu’on observe l’homme contemporain, sa vie quotidienne repose sur un conditionnement extrêmement fort crée par la société.
Notre survie passe d’abord par une survie financière et sommes donc dépendant de la santé économique de notre groupe social.
De plus, notre environnement technologique et numérique a changé notre façon d’interagir avec le monde et les autres. Pourtant, ces supports technologiques n’ont pas changé notre héritage biologique et la structure naturelle et animale de notre organisme.
En terme d’authenticité, chacun d’entre-nous oublie bien souvent ce que nous sommes réellement pour devenir un acteur, un comédien, un rôle déterminé par la culture, l’éducation, la société.
Plus la société vous donne les moyens d’être cultivé, moins la plupart en font quelque chose d’élevé. Moins la plupart deviennent vrais et authentiques.
La mode du "selfie" en est une manifestation parmi tant d’autres.
La réalité de votre condition originelle se trouve en fait en dehors de toute influence sociale. Bien sur, c’est par l’éducation que l’enfant peut devenir un homme.
Mais de quel homme s’agit il ? Quel type d’homme faisons-nous de nos enfants ?
L’homme est en permanence dans l’embarras. Il doit constamment choisir entre son être réel et sa façade sociale. Et la plupart optent pour la facilité, car le mental a un penchant pour elle et le mensonge. Entretenir une façade sociale n’est pas très difficile. Créer un être réel et authentique exige un travail de longue haleine.
La plupart des gens choisissent ce qui est commode, réalisable sans effort, faux, factice et dénué de profondeur.
Toutes les techniques de méditation sont des déconditionnements.
Ce que la société vous a imposé peut être défait.
Un chercheur spirituel n’est ni un animal, ni un robot, ni un produit de télé-réalité. Je dois ici souligner le paradoxe de l’appellation de ces shows télévisés qui mettent en évidence une réalité de la nature humaine montrée dans son expression la plus brute, et qui relève plus, sauf exception, d’une nature grossière et ignorante, pour ne pas dire stupide.
Le masque humain de beaucoup de personnes cache à l’intérieur une nature animale. Ce qu’ils font ou ce qu’ils disent est toujours équivoque ou ambivalent. Ils gardent la face et simultanément satisfont l’animal en eux. Le paradoxe est cruel disait déjà Osho à son époque. N’en parlons plus maintenant ! Entre le plan A, le plan B et le plan C dans les relations affectives, l’hyper-individualisme, la stratégie et l’instrumentalisation de l’autre ! La malhonnêteté et le mensonge sont le lot de beaucoup.
Pourquoi est-il si difficile à l’homme de passer du stade animal au stade suprême ?
La partie animale en nous n’est pas consciente qu’elle peut transcender quelque chose, voire elle-même.
L’animal est bien dans sa peau, en accord avec sa nature animale. Le tigre ne va pas essayer de devenir moins tueur et le panda plus rapide.
La partie animale en nous ne se soumet pas aux préceptes moraux de notre mental.
Pour l’apprivoiser, il faut une technique scientifique capable de transfigurer notre énergie, afin d’instaurer en nous un plan supérieur. C’est le propre des pratiques yoguiques.
Beaucoup de gens par exemple, se voilent la face et persistent dans des comportements que logiquement ils désapprouvent, telles les addictions, les mauvaises habitudes.
Il y a peu, une élève me confie très sérieusement « Jaya, moi, dès que je fais un peu de pranayama, je vois, je sens ... »
Je lui demande alors, « mais que voyez-vous ? »
Elle me répond qu’elle voit les énergies, pour avouer ensuite qu’elle est sous anxiolytique depuis huit ans, mais "qu’elle n’est surtout pas médicaments !!!" ».
Les animaux sont assujettis à leur biologie, l’homme peut choisir.
Il a la faculté de devenir libre, de grandir, de se débarrasser de ses propres boulets.
Mais il a aussi l’aptitude à faire semblant, ce qui est un des aspects de ses possibilités.
Le plus souvent, il fluctue entre ce qu’il prétend être et ce qu’il est dans le secret de son cœur.
Le jour où la vie l’accule à réfléchir, il peut prendre conscience que le mensonge intérieur et ses conséquences ne sont pas la solution dans la quête de l’authenticité.
Alors la civilisation, la morale, la société, l’intérêt immédiat sont remis à leur place et il peut commencer à devenir un être libre intérieurement en devenant vrai et sincère.
Qualités que peu de gens possèdent, car la société n’aime pas ceux qui disent la vérité.
Nous préférons souvent mentir dans l’espoir d’éluder la souffrance et l’insécurité. Nous préférons la langue de bois !
Nous maintenons l’illusion.
La sincérité est une véritable arme, mais elle est extrêmement délicate à utiliser.
La majorité des gens se prennent pour eux-mêmes en croyant à leur propre manigance.
Connaître sa véritable nature, c’est comprendre notre état d’esprit, tel qu’il est.
Si vous vous croyez paisible alors que vous êtes violent, aucune conversion ne peut être envisagée, car vous êtes inconscient.
Regardez sans interprétation de façon neutre ce qui est.
Très souvent, l’autre n’existe pas pour vous !
Seuls comptent vos propres interprétations et votre intérêt.
Votre attitude est un baromètre social. Dans vos yeux, on peut lire le rang de votre interlocuteur.
Observez vos motivations profondes. Vous êtes en colère contre quelqu’un, et vous réagissez pensant que votre attitude est bonne. Votre égo est blessé, voilà le fait.
Parfois vous avez une très bonne opinion de vous-même mais personne ne la partage, ni votre conjoint, ni vos enfants, ni vos amis !
Quant à l’amitié, bien souvent, à part exception, elle ne dure entre deux personnes que si elles ne s’avouent jamais ce qu’elles pensent l’une de l’autre.
Si vous vous laissez encenser par ceux que cela arrange, vous serez toujours bercé dans l’illusion de vous-même.
Ayez un regard lucide, neutre, sans dureté ni complaisance.
Vous voulez progresser ?
Ne négligez aucune facette de vous-même.
La connaissance de Soi fera alors de vous une autre personne.
La connaissance de Soi vous fera sincère et aimant.
Vivre en terme d’égo, à savoir ne vivre qu’en terme de corps et de mental, c’est vivre en périphérie, à l’extérieur, vivre avec les choses. C’est ce que l’on appelle le Samsara.
Le Samsara, c’est le monde. C’est une collection de poisons tels que le pouvoir, le prestige, les privilèges, etc.
L’avidité et l’envie y sont très développées. Vivre selon le Samsara, c’est vivre en investissant notre vie dans les objets, pour les objets.
Or, souvent , l’autre devient aussi un objet.
Votre conjoint est-il une commodité, un pourvoyeur de biens matériels ou un être magnifique et unique ?
Une personne peut vous donner tout son amour, mais vous ne pouvez pas l’utiliser, car c’est un être d’une valeur inestimable, c’est un être divin.
Songez-vous à remercier les gens qui vous aiment, les gens qui vous aident, votre compagnon, vos amis, vos parents ?
Nous disons un grand merci à l’étranger qui nous rend un petit service, mais les gens de notre entourage ! Nous ne les remercions pas, voire jamais, car ils sont là pour vous. A vos yeux, tout ce qu’ils font va de soi !
Vivre dans un monde d’objets et instrumentaliser l’autre, que ce soit un être humain ou un animal, c’est vivre dans le Samsara.
Vivre avec des personnes en tant qu’êtres précieux, c’est vivre dans la luminosité spirituelle.
Pour le méditant, les personnes sont vraiment des personnes, et la nature aussi. La méditation vous apprend progressivement que tout a une personnalité, parce que tout est imprégné de divin.
Qu’est-ce qui peuple notre esprit ? qu’est-ce qui agite notre cerveau ? Qu’entassons-nous dans notre crâne ?
Des désirs, des peurs, des ambitions, des émotions, des exigences, toutes choses qui un jour vont disparaître.
Le ciel c’est notre conscience, les nuages sont notre esprit lui-même plein d’émotions, de colère, de jalousie, d’attachements.
"Si nous vivons au niveau du contenu, nous vivons au niveau des nuages.
Si nous vivons au niveau du contenant, nous vivons au niveau du ciel",
déclare Rajneesh.
Dans le chant de Sahara, un des fondateurs du tantrisme bouddhiste, il y a un sutra qui dit ceci :
« De même que l’eau salée devient douce
lorsqu’elle forme un nuage,
l’esprit déterminé qui travaille pour autrui
transforme le poison des objets sensibles en nectar. »
Le tantra l’affirme :
le monde des sens peut être sublimé, la matière peut être muée en esprit, l’inconscience peut devenir conscience.
L’inférieur et le supérieur appartiennent à la même échelle. Cette échelle, c’est l’homme. Il est libre de se tenir sur la première barre et végéter avec ses boulets. Il peut aussi grimper.
L’homme est Un.
Mettez fin aux déchirements intérieurs. Aimez sans retenue car tout peut évoluer et changer. Si l’amour est profond et sincère, il opèrera en vous une mutation.
L’eau de mer est imbuvable, c’est un poison mortel pour l’homme. Mais l’eau de mer s’évapore et forme un nuage et redevient douce. Cette eau-là vous désaltère.
Par la méditation, vous pouvez créer ce nuage sans accorder d’importance à vos pensées ou émotions qui traversent l’esprit. Le feu intérieur peut tout transmuer. C’est un feu alchimique. Par la méditation, ce qui est en bas devient ce qui est en haut.
Le plomb devient de l’or.
IL faut donc d’abord créer un "nuage de méditation" au fond de votre cœur. Un nuage qui transmute.
Le deuxième élément nécessaire est la "compassion", "le souci authentique de l’âme d’autrui".
Pour pouvoir se soucier authentiquement de l’âme de l’autre, il nous faut d’abord devenir nous-même authentique.
La méditation parfois peut faire devenir tout l’inverse et développer une nature égocentrique.
Partagez, donnez sans réserve, partagez votre expérience de paix intérieure.
Aimez l’autre avec sérénité.
Alors ce "don spirituel" transformera le poison qui siège dans votre cœur ou dans celui de l’autre en nectar.
Je vais finir par une histoire que raconte Osho.
« Un grand roi vint voir Bouddha sur le conseil de son premier ministre. C’était un homme soupçonneux, comme le sont les rois et les politiciens, les puissants. Il se rendit donc chez Bouddha, non par désir de le voir mais par diplomatie. La rumeur publique lui attribuait une certaine hostilité à l’égard du maître. Or le peuple aimait Bouddha.
Il arriva donc en compagnie de son premier ministre et trouva mille moines rassemblés dans le bois où demeurait Bouddha. La peur le saisit. Il tira son épée : « dix mille personnes et pas le moindre bruit ! chuchota-t-il à son premier ministre. C’est certainement un traquenard. ».
Le premier ministre se mit à rire : « Calmez-vous, vous ne connaissez pas les gens de Bouddha, il n ’y a aucune conspiration contre vous. » Le roi avança prudemment dans le bois, l’épée toujours à la main. Il n’en croyait pas ses yeux : tant de gens calmement assis sous les feuillages dans un silence total ! Le bois était paisible comme s’il n’y avait personne.
Le roi s’approcha de Bouddha et lui dit : « Ceci est un miracle ! Le tapage de dix personnes est déjà insupportable. Ici, dix mille personnes et pas un murmure… Qu’est-ce qu’ils font ? Sont-ils bien vivants ? On dirait des statues ! » Bouddha lui répondit : « Ils font quelque chose, en effet, mais cela n’a rien à voir avec l’extérieur. Ils sont dans leur monde intérieur. Ils ne sont plus dans leur corps, ils sont dans leur être, dans le tréfonds de leur être.
Il n’y a pas dix mille personnes ici. Il y a une seule et même conscience. »
Passez de bonnes vacances.
Hari Om Tat Sat
Jaya Yogacharya
Bibliographie :
« Tantra, le chant royal de Sahara » d’Osho Rajneesh aux Edts « Le Voyage Intérieur »
« Les secrets de Shiva » d’Osho Rajneesh aux Edts « Le voyage Intérieur ».
Commentaire et adaptation Jaya Yogacharya.