« Le culte de la Déesse n°5 - Tripura Upanishad »
conférence donnée par Jaya Yogacharya en cours de méditation du vend 29 mai 2015
La Triplicité Fondamentale
Commentaire par Jaya yogacharya
du commentaire de la Tripura Upanishad par Jean Varenne
Upanishad de Tripura, Déesse de la Triple Cité
1. Triple en nous la Cité du corps*
car formée de trois éléments :
subtil, grossier, causal.*
* Sthûla, Sûkshma et Kârana sharira, les trois corps physique, astral et causal.
2. Triples les voies * également :
l’action, la connaissance,
et l’adoration rituelle.
* Karma Yoga, Jnana yoga et Bhakti Yoga
3. Triple enfin l’inscription :
A-KA-THA,* sur le mandala
où l’on vénère la Déesse.
* Le principe du Triangle de Tripura et des 50 lettres de l’alphabet sanskrit.
A-KA-THA sont trois de ses voyelles importantes.
Le tripura d’ajna et ses trois shaktis, iccha, jnana et kriya shakti évolueront avec Lalita.
Ce concept sera expliqué plus tard en cours de kriya yoga avancé.
4. D’autres phonèmes * s’y ajoutent
car en eux rayonne la gloire,
éternelle, de tous les dieux !
* Les autres phonèmes sont les autres lettres de l’alphabet sanskrit
5. Neuf sont les sources matricielles *
qu’Elle régit en Souveraine ;
neuf les chakras* du corps subtil ;
* Les sources matricielles viennent de la matrice Yoni au sens de Shakti.
Ce sont les forces de l’univers qui agissent en nous. Elles illustrent les neuf sexes de la Déesse qui sont les neuf shaktis du Shri Chakra Yantra : Durga, Lakshmi, Parvati, Saraswati, Gayatri, Ganga, Sita, Radha et Sati. On les appelle les Navashaktis.
* les neuf chakras sont les 7 habituels plus les deux mineurs entre Ajna et Sahasrara, (Soma et kameswara ck) ou (Chandra et Kameswara ck).
6. neuf les étapes du Yoga *
et neuf les dieux des neuf planètes ;
neuf les Régents*, neuf les mudrâs *. 4
* Les neuf étapes sont habituellement au nombre de 8 dans la classification de l’asthanga yoga auxquelles peuvent s’ajouter l’état suprême quand la réalisation entre le purusha et la prakriti a lieu.
* Les neuf dieux des neuf planètes interviennent dans la construction du Yantra. Soleil, lune, Mars, Mercure, Jupiter, Vénus, Saturne, Neptune (Rahu nœud ascendant), Pluton (Kétu nœud descendant).
Leurs sont associées les déités respectives :
Surya (soleil), Chandra (lune), Mangala (mars) Budha (mercure), Brihaspati (gourou-jupiter), Shukra (vénus), Shani (saturne), Rahu (neptune), Kétu (pluton).
*Les mudrâs, gestes symboliques exécutés dans le rituel d’adoration.
*Les Régents peuvent être neuf divinités qui président aux rituels mais aussi dans un langage crépusculaire, donc initiatique et à double sens, représenter les partenaires sexuelles de neuf officiants dits régents de l’espace. (sous réserve)
7. Elle est l’Unique, * la Déesse,
et Elle est la Première ;
et neuf * ses formes bénéfiques.
* L’unique, sans conteste.
* Les neuf formes bénéfiques, peuvent être les neuf ouvertures ou portes du corps (yoni mudra).
8. En nous, Elle a dix-neuf pouvoirs * :
cinq pour agir, cinq pour apprendre,
les cinq souffles vitaux,
plus la raison, le Moi,
la Conscience et l’Intelligence.
* Les dix-neuf pouvoirs sont considérés ici comme étant les 5 organes de l’action (karma Indriyas - Payu, Upasthani, Pada, Pani, Vâch). Pour apprendre, les 5 sens, (jnana indriyas- Ganda, Rasa, Rupa, Sparsha, Shabdha).
Les 5 prânas ou (vayus- Apana, Vyana, Samana, Prana, Udana) et les 4 éléments constituant l’antahkarana (Chitta, Manas, Buddhi et Ahamkara.)
9. Et, si l’on y ajoute
les quatre souffles secondaires *
et les cinq éléments cosmiques,
cela fait vingt et un :
autre nombre secret pour Elle.
Quarante * aussi, si l’on préfère.
Ici, on trouve des variantes dans d’autres traductions de la même Upanishad, où l’on compte vingt neuf au lieu de vingt et un. De plus 19 plus 4 et 5 ne font pas 21 mais 28. Il semble donc y avoir ici une erreur.
Nous allons donc tenir compte des
– Cinq sous-prânas (les sous vatas de l’ayurveda) :
Devadatta (éternuement, bâillements - lieu, les narines),
Krika (faim et soif - lieu, la gorge),
Kurma (mvt des paupières - lieu les globes oculaires),
Naga (hoquet et éructation - lieu, la bouche),
Dhamanjaya (activité après la mort et régulation vitale du corps - lieu, le corps entier).
* Des cinq Tattwas que sont Prithivi, Apas, Agni, Vayu, Akasha.
Ce qui fait 19 + 10 donc 29 principes considérés comme 29 déesses,
extrapolées à 40 mais sans explication ni éclaircissement dans aucun texte.
10. Mais que la triple flamme, *
pareille à l’amour sans partage
émanant des trois mères, *
m’enveloppe et me garde !
* la triple flamme émane des trois mères que sont les trois énergies de Shakti : Iccha shakti, le pouvoir du désir, de la volonté aimante, Kriya shakti, le pouvoir de l’action et Jnana shakti le pouvoir de la sagesse omnisciente.
11. Au commencement, La Lumière *
resplendissait sur le Chaos,
repoussant les ténèbres
jusqu’aux confins de l’univers.
* La lumière originelle, (celle du big-bang par exemple).
Dans une autre version, on parle de l’univers en tant que Celui sans âge.
12. Telle la clarté de la lune,
versant la paix au cœur des hommes,
glorifie ceux qui savent ! *
* Les connaisseurs de Brahman. C’est la clarté froide de la lune qui apporte la félicité (l’amrit).
13. Lorsque l’on trace le Yantra *
de la Déesse de Fortune,*
les trois pouvoirs qui nous régissent ;
l’Action, le Savoir, le Désir,
forment les trois côtés
du triangle central.
* Le fameux tripura des trois shaktis, iccha, kriya et jnana, mais la volonté est associée à présent au désir. C’est la volonté du désir.
* la déesse de la fortune, autre shakti de Lalita est lakshmi.
14. Les quatre côtés du carré
enserrant le triangle
sont les quatre états de conscience *
régissant notre vie mentale :
* Les quatre états du principe d’adyaropa : l’homme est enchaîné au pouvoir couvrant de la conscience par le pasha, le lien. Lui même étant le pashu, enfermé dans le nom et la forme dans lesquels il est enchâssé.
15. La Veille *, en premier lieu,
en second lieu, les Rêves *,
le Sommeil - profond en troisième *,
et pour finir, le Quatrième *
préfigurant la Délivrance.
* Les 3 premiers états lient l’homme à l’ignorance :
Jagrat, la veille, swapna, le rêve et shushupti l’état de sommeil.
* Turya ou l’état de Brahman, dit le 4° est celui de l’éveil par l’expérience de l’énergie, amenant l’état de conscience.
16. D’autres triangles symbolisent
les triples Sphères d’existence,
les trois niveaux cosmiques : *
Terre, Atmosphère et Ciel,
* Les trois lokas, Bhur, Bhuvah, Svah.
Dans le yantra, les trois lokas sont identifiés par les trois couleurs déterminées dans le grand carré principal qui entoure le treillis des 43 triangles mais aussi peuvent aussi être symbolisées par les trois cercles. Je vous rappelle que les neufs lokas sont symbolisés par le carre, les trois cercles (délimitant les deux rangées de 16 et 8 pétales) , puis les ceintures de triangles à 14,10,10, 8 triangles, pour finir par le bindu.
17. ainsi que les trois qualités : *
la noire Pesanteur,
la rouge ardeur de la Passion,
et la Blancheur sereine et pure.
* Les 3 gunas et leurs trois couleurs.
18. A quoi s’ajoute le triangle
symbolisant les trois fourreaux *
enfermant, telles trois enceintes
le donjon où réside l’âme :
le corps physique et le subtil,
enfin le corps causal.
* Là encore, dans une autre traduction, il est dit que les triades précitées, et entre autres les 3 gunas participent à l’élaboration des fourreaux du corps. Ces fourreaux sont les koshas au nombre de cinq et non de trois.
Anamaya kosha ( gaine vitale), pranamaya kosha (gaine prânique), manomaya kosha (gaine mentale), vijnanamaya kosha (gaine intellectuelle) et ananda maya kosha (gaine de la béatitude).
On peut aussi comparer cela à la 1ère ceinture de 14 triangles, puis celle de 10, encore celle de 10 puis celle de 8 pour finir par le Mûlatrikona, le triangle primordial où réside le bindu.
(les divinités du Mandala)
19. Mais le support sur quoi repose
cette Triplicité
c’est la Déesse souveraine
unique, au centre du Yantra *
en forme de triangle.
* C’est du bindu central, dans le Mûlatrikona,
que la création toute entière se manifeste ou se résorbe.
Le bindu central est donc la suprême shakti.
20. Et Kâma, * Dieu d’amour, réside
au sein de ce triangle,
avec mystère, sous la forme
d’un simple point !
*Le sri yantra est le corps de Siva-Shakti,
et leur union se fait dans le bindu au centre du triangle parfait.
Kâma est aussi Siva.
21. Tout autour, dans le mandala,
quinze divinités *
comme autant de pouvoirs *
forment la cour royale
de ce couple sacré.
* les quinze divinités correspondent aux quinze phonèmes du mantra secret de la déesse
KA E I LA HRIM
HA SA KA HA LA HRIM
SA KA LA HRIM
que nous avons étudié dans la conférence sur la Para Vâch.
* Chaque phonème illustrant un principe divin, une divinité, une force cosmique se rajoutant à celle obtenue par l’union de Siva-Shakti.
22. Il y a Celle-qui-fait-rire, *
l’Orgueilleuse* et la Bénéfique, *
Celle-qui-porte-chance, *
Celle-qu’on-aime-voir, *
23. Celle-en-qui-s’incarnent-les-perfections, *
la Pudique *, l’Habile, *
Celle-qui-fut comblée de grâces, *
Celle qui fut choisie, *
24. Celle dont les désirs
ont eu satisfaction*
et Lakshmi, la Déesse *,
avec Umâ à ses côtés *,
25. Celle qui danse et joue,
parfaite séductrice*,
et Celle enfin dont l’éloquence*
ravit le coeur de ses dévots.
* ce sont les quinze aspects de la déesse Tripurasundari,
qui sont au service de la conscience et illustrées par des déesses,
telles que par exemple, Sita, celle qui incarne les perfections, Kumari, la choisie, Parvati, celle dont les désirs ont eu satisfaction,
Saraswati, la déesse de la parole et l’éloquence, Lakshmi, et aussi Uma, celle qui donne la clarté intellectuelle, la lumière, etc .
En fait, comme il y a plusieurs déesses possibles, il faut les considérer plutôt comme les qualités que Lalita ou la déesse suprême possède. Dans d’autres traductions, nous trouverons comme qualités, la vivifiante, la fière, la propice, la chanceuse, la charmante, l’éloquente, etc. Tous ces aspects de la Déesse étant au service de la conscience.
(méditation)
26. Par la contemplation *
de ce Yantra de la Fortune *
on parvient à la perfection
de la vraie connaissance.
* Avant la contemplation, vient le tratak. Ce dernier sur le Sri Yantra développe la conscience et l’adoration, et la reconnaissance de la Déesse permet de boire l’amrit.
* C’est aussi Lakshmi.
27. On s’enivre à loisir
du vin de l’immortalité, *
lorsque l’on sait La voir *
et vénérer Son trône. *
* D’abord vénération, après vision et ensuite ivresse.
28. Alors, on monte jusqu’au Ciel, *
là où Elle a sa résidence ; *
et l’on franchit les portes *
de la Triple-Cité !*
* Référence ici aux trois lokas, Bhûr, Bhuvar et Svar loka
Le bhûr-loka est le monde matériel que nous connaissons (la Terre).
Le bhuvar-loka est l’atmosphère, un monde " supérieur ", domaine de résidence des esprits et des génies, bons ou mauvais. C’est aussi le monde des divas (voir divinités du Sanathana Dharma).
Le svar-loka représente les cieux, le monde des dieux, à un niveau encore supérieur de la hiérarchie. Il est en quelque sorte l’équivalent du Paradis chrétien.
Dans cette conception, les humains et leurs corps appartiennent au bhûr-loka.
Mais dans une autre approche, on parlera du plan terrien, du plan astral et du plan céleste ou du point de vue énergétique, plan physique, astral et causal sur lesquels règne Lalita en tant que Shakti.
29. Et voici le mantra secret : *
KÂ, le Désir, É, la Matrice,
Î, le TEMPS de l ’Amour,
LA, le seigneur qui tient la foudre ;
30. HRÎM, la Caverne,
HA-SA, le dieu du Vent ;
KA-HA, la troupe des Nuées,
LA, le Dieu-souverain.
31. HRÎM, la Caverne, encore ;
enfin : SA-KÂ-LA, la Mâyâ,
le Connaissance originelle,
Mère de l’Univers entier !
* Voir dernière conférence Para Vâch
KÂ É Î LA HRÎM
HA SA KA HA LA HRÎM
SA KÄ LA HRÎM
le Panchadasi ou mantra aux 15 syllabes peut avoir d’autres déclinaisons selon les aspects de la déesse. Celui-ci est fait de 3 sections (les kutas), chacune finissant par le mantra HRIM, qui est le bija mantra par excellence de Shakti, donc de Lalita. Ce mantra est dérivé du verset sacré suivant :
KAMAYONIH KAMLA VAJRAPANIR
Kama, Dieu de l’amour, Yoni la matrice, Kamla, le féminin, Vajrapani, le dieu Indra
GUHA HASA MATRISHV ABHRAM INDRA
Guha, la cavité du coeur, hasa, le sourire, la beauté, matrish le souffle, Abhra l’or, le ciel, Indra, le dieu Indra
PUNAR GUHA SAKALA MAYAYE CHA
Punar, à nouveau, guha, le cœur, la cavité, sakala le TOUT, mayaye cha, la maya illusion
PURUHCHAIVA VISHVAMATADI VIDDYOM
purusha, le seigneur, vishva, omniprésent, viddyom, omnipénétrant.
Kama donnera la syllabe KA,
Yoni donnera le son AYE qui donnera la syllabe E.
Kamla donnera le syllabe EEE, syllabes des bijas mantras Shreem Kleem présents dans le long mantra de Kamala, une des shakti de Vishnu (soit I)
vajrapanir donnera Indra et un de ses bijas mantras syllabe LA de LAM.
Guha donnera la syllabe Hring, ancien nom de HRIM, le bija mantra de la shakti.
Hasa donnera HA et SA.
Matrishva pour Matrish vayu donnera la syllabe KA pour l’espace crée par le souffle.
Abhra donnera la syllabe Ha pour indiquer le ciel.
Indra (La) et HRIM.
Sakala donnera SA KA LA pour indiquer la totalité et HRIM pour finir.
KAMA (KA) YONI (AYE) KAMLA (EEE) VAJRAPANIR INDRA (LA) GUHA (HRING)
HASA (HA SA) VARNAS MATRISHVA VAYU (KA) ABHRA (HA) INDRA (LA) PUNAH GUHA (HRING) SAKALA VARNAS MAYA (HRING).
32. De ces quinze phonèmes
trois seulement, * mais en secret,
forment Son nom ésotérique
et révèlent Sa vraie nature :
33. Ha, le symbole de Shiva,
SA, Celui de Shakti,
et KÂ, le dieu d’Amour, Kâma ;
heureux qui connaît le mantra !
* HA SA KA sont ces trois syllabes.
HA la syllabe symbole de Shiva.
SA celle de Shakti.
KA celle du dieu Kâma, le dieu de l’amour et du désir.
N’oubliez pas, sans désir, la manifestation ne peut avoir lieu.
Sans désir de se manifester, le divin ne déborde pas en beauté dans le plan grossier.
(le Maître intérieur)
34. Chantant la gloire du Seigneur *
selon les règles liturgiques,
on voit en Lui le Maître du désir,
le Témoin et le Créateur.
* Le Seigneur, ou Shiva, ou Brahman, l’absolu inqualifiable, est le sujet central de toutes les Upanishads.
Il est le Voyant, le Façonneur, le Créateur ayant la libre volonté.
Son adoration ou vénération nécessite des rites précis.
35. Et, si l’on connaît les Paroles
conservées par la Tradition,
comme : « Je suis Brahmâ ! » *
ou « Toi, tu es Cela ! » *
on obtient l’immortalité.
* Les MAHAVAKYAS du Védanta.
Dans l’éducation spirituelle védantique, les MAHAVAKYAS sont les grandes proclamations et servent de support aux enseignements.
MAHA signifiant grand - VAKYAS, proclamations. Elles sont issues des Upanishads, et sont très nombreuses. Toutefois, quatre sont très importantes et proviennent de chacun des Védas.
AHAM BRAHMA ASMI Je suis Brahman - Non identification aux agents limitants. Issu du YAJUR Veda.
TAT TWAM ASI
Tu es Cela - Initiation par le maitre spirituel. Issu du SAMA-Véda.
AHAM ATMA BRAHMAN - Ce SOI est Brahman. Unification de ce principe par le méditant. Issu de l’ATHARVA-Véda.
PRAJNANAAM BRAHMA - La conscience est Brahman.
PRAJNA sagesse, conscience - BRAHMA, brahman. La nature de Brahman est existence et conscience cosmique. Issu du RIG-Veda.
Obtenir l’immortalité, c’est expérimenter la rencontre avec sa vraie nature, celle de l’âme éternelle, loin de l’identification à ce qui est éphémère et périssable.
C’est faire l’expérience de la non dualité.
(Connaître la Déesse)
36. Mais, le plus important,
pour qui veut un tel résultat,
c’est de connaître la Déesse *,
Mère de l’Univers.
* Nous sommes dans la pensée tantrique. Son postulat : Toute source de création qu’elle soit manifestée dans la matière ou la conscience est énergie. Cette énergie primordiale est le premier pouvoir, celui de la Nature.
La Déesse est ici la Nature et son pouvoir premier. La shakti fondamentale.
37. Car Elle règne sur la Ville ! *
Où toute forme d’existence
a trouvé sa demeure,
y compris le Seigneur Shiva
qui détruit les démons.
* la ville est à la fois ici la demeure de Lalita, à savoir au-delà du svar loka, dans l’empyrée, considéré comme la partie du ciel la plus haute, voire l’espace infini. Mais la ville peut-être ici aussi analysée comme le corps de l’adepte qui a maîtrisé la kundalini et purifié les chakras et les nadis.
38.On y voit aussi le Soleil,
et la Matrice des phonèmes :
OM, syllabe sacrée,
avec ÎM, sa parèdre,
* La ville étant aussi dans le corps de l’adepte, tout le processus d’éveil et sa complexité viennent des plans à transcender des chakras supérieurs. Ainsi, vision des éclairs dans l’éveil de l’ajna, aboutissement dans l’ajna des dernières lettres de l’alphabet sanskrit et activité de l’Omkara par le maha-nada, le son divin, transcendance des trois kalas, les trois temps.
39. La roue du temps *
et les seize moments
des exercices liturgiques : *
la quinzaine et son complément,
la nuit de plénitude.
* les 16 kalas du chakra mineur, Soma chakra, au-dessus d’ajna, font référence aux phases de la lune, avec la partie ascendante et la descendante, et la nuit de pleine lune et sont associés aux pratiques et aux rites.
Mais ces 16 sonorités dites Kala, associées à la lune et au temps symbolisent aussi les 16 qualités de l’éveil de la conscience dans ce plan, à savoir
1 - Kripâ (la grâce, la miséricorde), 2 - Hasya (l’allégresse), 3 - Româncha (le ravissement), 4 - Mridûta (la gentillesse), 5 - Uddârya (la magnanimité), 6 - Sampat, (la prospérité), 7 - Akshobha (la sérénité), 8 - Dhyana (la méditation), 9 - Vairâgya (l’impassibilité), 10 - Sûthiratâ (la paix), 11 - Vinaya (l’humilité), 12 - Uddyama (l’effort), 13 - Dhriti, (la constance), 14 - Dhairya (la patience), 15 - Ekâgratâ, (la concentration), 16 - Gâmbhîrya (la gravité).
40. Et, si l’on reconnaît
dans les deux seins * de la Déesse
l’image des deux astres du jour et de la nuit, *
illuminant les trois demeures
de l’énergie vivante :
le corps grossier, le corps subtil
et le corps de causalité, *
* On parle ici du soleil et de la lune, en tant qu’énergies d’éveil.
L’ajna est solaire et bindu est lunaire. Référence est ici faite aussi à Pingala nadi et son Prâna shakti, énergie physique, et Ida Nadi et son Mânas shakti, son énergie mentale.
Dans l’éveil de la conscience et des chakras supérieurs, tout le processus va passer par l’activation de ces deux énergies symbolisant aussi le couple Siva-Shakti. La lune est le passage qui permet à l’infini de descendre vers le fini. Elle est aussi la porte qui murmure le son divin. L’éveil d’ajna et des chakras supérieurs crée à la fois des éclairs relevant du soleil, attribué à Shiva et la conscience, mais cela ne peut être amené sans l’expérience et l’activation de l’énergie lunaire, la blanche, celle qui fait aussi référence à l’amrit, le nectar de l’immortalité. Alors, l’expérience d’illumination éclaire à jamais les trois plans de l’être, à savoir ses trois corps, Sthûla, Sûkshma et Kârana sharira.
* Les deux seins de la Déesse et son visage humain peuvent aussi symboliser la divinité Kamadhenu, la vache d’abondance avec ses mamelles apparentées à certains nadis importants d’où coule l’amrit.
41. on obtient tout ce que l’on veut,*
pourvu qu’on soit d’abord
un-homme-de-désir *
accomplissant en temps voulu
tous les rites requis
pour le culte de la déesse.
* On obtient en effet tout ce que l’on voudra de Kamadhenu ! Cela veut dire que par l’état d’éveil et de transcendance issus d’une ascèse, incluant pratiques yoguiques, méditations, connaissance philosophique, rituels et guidance spirituelle, les facultés supérieures sont éveillées, la compréhension acquise, les concepts métaphysiques transcendés, le corps physique transmué et le changement intérieur réalisé. Alors tout ce qui limite l’homme dans son nom et sa forme est détruit. La conscience et l’énergie ont fusionné et peuvent réaliser sans limite.
C’est le processus de la création toute entière qui est mis en marche. Mais la création ne peut se manifester sans désir de se manifester.
* Les rites, nous dit Jean Varenne, ne peuvent être exécutés que si l’on désire en obtenir un résultat. Tout acte suppose donc de l’exécuter et d’en obtenir un bénéfice. C’est pourquoi, Kâma, le Dieu-Désir par excellence, est l’un des noms du dieu créateur.
(rites tantriques)*
42. C’est ainsi que l’on doit offrir
du poisson cuit et de la viande
des pois grillés, du vin,
et les plaisirs du sexe *
pour gagner en retour
la grâce et le succès.
* Le tantrisme repose sur deux grandes voies, Vama marga la voie de la main gauche et Dakshina marga, la voie de la main droite. Son postulat est celui de l’acceptation la plus entière de nos désirs et de nos sentiments ainsi que des situations que nous rencontrons en tant qu’êtres humains. Les voies spirituelles telles que le yoga de Patanjali, le Védanta de Shankara, et bien d’autres, postulent au renoncement, au détachement, voies de l’ascétisme qui permettent à l’individu de se libérer des servitudes de l’existence, afin de retrouver cette union avec la source de l’univers. Le Tantrisme revendique le même but, mais pas le même chemin. Il s’attache à construire un pont entre la réalité intérieure et le monde physique. Pour un Tantrika, l’organique ne contredit pas le spirituel. Son but n’est pas de réaliser l’inconnu selon sa formule, mais de réaliser le connu.
Dans l’école tantrique, lorsqu’il y a des rites secrets, on dira que si la femme s’assoit à droite de l’homme, on aura à faire à la main droite (Dakshina marga) et cette position implique qu’il n’y aura pas d’union sexuelle. Au contraire, si elle doit avoir lieu, la femme (la yogini) se place à gauche de l’homme (le yoguin). Ce qui est, dans l’iconographie, la position de Parvati par rapport à Shiva. Dans Vama marga, les offrandes, lors du rite principal, seront celles des trois M, (Matsya (poisson), Madhya (vin), Mudra (céréales), Mamsa (viande), Maithuna (union sexuelle)). Dans Dakshina marga, les offrandes seront celles des produits de la nature, tels ceux de la vache, lait, ghi, (beurre clarifié), yaourt, mais aussi céréales, miel, eau de coco, fruits, etc. Enfin l’union avec la déesse sera faite par l’adoration rituelle avec sa représentation imagée et non par une incarnation féminine censée la représenter comme dans la voie gauche.
43. Dédiées à Saraswati,
à Lakshmî, à la Mère,
à la rouge Gaurî,
à la Shakti originelle,
de telles oblations
* Qu’elles soient de Vama ou Dakshina marga, les offrandes et oblations seront toujours orientées vers la shakti universelle qui peut prendre plusieurs aspects en étant incarnées par des déesses représentant des concepts de force cosmiques. Ainsi Lalita Tripurasundari à aussi le pouvoir de l’éloquence, et donc est aussi Saraswati. Lalita la plus belle est donc aussi Lakshmi, la déesse de la prospérité et de la beauté. Elle est aussi Gaurî.
Pârvatî, Gaurî ou Umâ sont trois noms pratiquement similaires qui désignent l’épouse du dieu Shiva. Ainsi, ont-elles bien du mal avec lui avant de l’épouser.
Shiva, cependant, trop engagé dans ses méditations, n’entend pas se marier et les dieux doivent user de subterfuges pour qu’il s’intéresse à Pârvatî. Ils envoient auprès de Lui, en émissaire, le dieu Kâma, chargé d’éveiller le désir en Shiva. Il atteint son but, au moyen de ses flèches de fleurs, mais Shiva, courroucé du procédé et furieux d’avoir été distrait de sa méditation, le foudroie d’un éclair jailli de son troisième oeil et le réduit en cendres. Les dieux et Pârvatî s’en lamentent, ainsi que Ratî, l’épouse de Kâma. Shiva répond à leurs supplications et rend son corps à Kâma, mais le dieu du Désir ne pourra plus, désormais, être vu que de son épouse, encore que son pouvoir reste tout à fait entier. Voilà pour la petite histoire.
Le nom Gaurî signifie "La Dorée", la Déesse jaune doré, couleur qu’elle a acquise au terme d’une longue ascèse. Ce nom explique pourquoi Shiva est parfois désigné comme Gauresha ou " maître de Gaurî ". Elle est la Déesse du bonheur conjugal et de la longévité. Les femmes mariées la prient d’accorder longue vie à leur mari.
Cependant, Gaurî est souvent montrée portant des ornements caractéristiques d’une jeune fille non encore mariée.
Gaurî représente donc la pureté et l’austérité. Parmi ses ornements, elle porte aussi le lotus bleu et le lotus rouge. Elle est donc elle aussi un autre aspect de Lalita.
44. peuvent se comparer
aux cinq flèches * que le chasseur,
bandant son arc, décoche
sur la cible qu’il s’est choisie, *
* Le principe d’adoration repose sur la fusion avec la divinité. Pour cela, le pujari, l’adorateur, l’adepte doit pouvoir faire corps avec l’objet d’adoration. Il doit faire en sorte que l’amour porté à la divinité déclenche la vibration énergétique de la divinité. Il active en quelque sorte les forces enchâssées dans le symbole d’adoration.
* Les flèches font référence bien sur aux attributs de la déesse. Dans sa représentation figurative, la déesse a quatre bras. Ils tiennent différents attributs, tels le Pasha, le noeud coulant (symbole de l’attachement), l’ankusha, l’aiguillon à éléphant, l’arc ou un arc fait d’une canne à sucre, et enfin 5 flèches faites de fleurs ou 5 fleurs (symbolisant les cinq sens). A ses pieds se trouve le Shri Yantra ou Sri Chakra qui est un modèle énergétique du macrocosme. Il provient du pranava qu’est le son subtil originel. Parfois, la Déesse est représentée assise sur Shiva ou sur les cinq aspects de ce dernier qui symbolisent les cinq activités principales du dieu - création, maintien, destruction, occultation et grâce - aspects qu’elle transcende. Son sari peut-être sombre, rouge ou or. Elle porte de nombreux ornements. Sa beauté est aveuglante. La couleur rouge et brillante qui l’entoure signifie son état de bonheur extatique et sa connaissance illuminatrice.
* Ce principe de flèches et d’adoration fait référence aussi au Dieu du Désir qu’est le dieu Kâma.
Kâma, dieu de l’amour, tire des flèches. Il est représenté possédant un arc dont la tige est une canne à sucre, dont la corde est une chaîne d’abeilles bourdonnantes et dont la flèche est faite de cinq fleurs odorantes qui sont un lotus bleu, un jasmin, une fleur de manguier, un champaka et un shirîsha, et qui représentent les cinq sens*.
Le Perroquet est son véhicule ! Forcément !
* Cela veut dire aussi que l’adepte doit s’identifier à la déité de Kâma, qui lui même peut être considéré comme un chasseur, pour viser, atteindre et réaliser un résultat.
* La pûja, à savoir le rituel, peut être réalisée de façon concrète ou mentale.
45. ou aux cinq nœuds * qu’il utilise
pour régler le gibier :
ainsi peut-il saisir,
telle une proie, la délivrance,
après avoir éliminé
les démons de l’attachement !
* L’adepte va donc attraper enfin la libération après un long
combat pour éliminer l’attachement et la dualité.
Mais il doit le faire comme le fait Lalita avec son noeud coulant, le pasha,
lorsqu’elle attrape au lasso les créatures qui doutent et trébuchent sur les sentiers de l’attachement au monde.
Elle les atteint alors de ses cinq flèches, qui deviennent cinq nœuds, c’est à dire l’attachement aux cinq sens et aux plaisirs du monde.
Là est le paradoxe du tantrisme.
Faites feu de tout bois mais sans attachement.
46. Ainsi devient-il Créateur :
Energie divine et Seigneur-Dieu,
à la fois le Désir et son objet,
Shiva et sa parèdre
par qui tout existe en ce monde.
* L’état divin, la réalisation spirituelle repose sur la réalisation de notre véritable nature.
Le travail d’union des deux principes Shiva-Shakti, l’énergie divine et la conscience, se fait par le troisième élément qui est le fondement même du désir de création et de manifestation.
Ici, nous avons donc Shiva, d’un côté, Shakti de l’autre et enfin Kâma, le dieu désir qui permet l’union de ses deux principes. De cette fusion vient la connaissance du manifesté.
Mais ce n’est pas de l’amour possessif humain lié aux fausses identifications et à l’attachement dont il s’agit ici.
L’énergie primordiale devient conscience par la transcendance du désir pulsatif de l’univers à vouloir être.
47. Ce sont les deux Pouvoirs,*
égaux en importance
et en qualité d’être ;
mais la Shakti pérenne *
est première, en tant que Matrice
dont tout procède.
* Ces deux pouvoirs, sont le pouvoir de la conscience qui n’est autre que la shakti qui l’anime et ensuite le désir.
*Mais la shakti pérenne car elle est source de tout ce qui se manifeste, soit dans le plan physique ou matériel, soit dans le plan mental, la pensée, la conscience. Elle est le pouvoir premier.
C’est pour cela que la vénération se fait envers la déesse.
48. C’est pourquoi c’est à la Déesse
qu’il faut offrir les sacrifices *
car, en retour, elle délivre
ses dévots de toute ignorance
leur donnant la Vraie-Connaissance *
qui leur apporte le Salut.
* Les sacrifices sont les pujas ou rituels avec carêmes et offrandes.
Mais aussi les mantras et les pratiques.
* La Vraie connaissance est celle qui libère de la dualité et permet
la reconnaissance de l’absolu en soi. C’est donc une connaissance qui libère de la carnation et du temps.
C’est un pouvoir qui est hors du temps, comme une matrice primordiale qui nourrit et crée l’univers en permanence. Au niveau humain, elle libère enfin des gaines de l’illusion que sont les quatre premières, anamaya kosha, pranamaya kosha, manomaya kosha, et vijnanamaya kosha. Reste à transcender
l’anandamaya kosha, l’état de béatitude lui-même. Il n’y aura là plus aucun support, on quitte Siva-Shakti.
49. L’Upanishad des Trois-Cités,
impérissable et bénéfique,
est pareille, en sa quintessence,
au quadruple Véda :
* Voici compté, la grande Upanishad de Tripura, l’immortelle qui loue
les textes sacrés que sont les Védas.
50. Rig, Sâma, Yajur, Atharva ;
on trouve en elle également
tous les enseignements
des autres traditions.
Veda signifie science - Samhita signifie recueil.
RIG-Véda Samhita rig = signifie prière, verset.
SAMA-Véda Samhita saman = cantilation.
YAJUR-Véda Samhita yajur = dédicaces en prose.
ATHARVA-Véda Samhita atharva = magie blanche ou noire.
La Cantilation est l’art de la prononciation de la hauteur musicale des voyelles de chaque mot d’un verset d’un texte sacré des religions chrétienne, coranique, hébraïque, bouddhiste et hindouiste.
RIG-Veda, "sagesse des versets", sont des hymnes pour les différents dieux, les rites des Brahmanes, et traitent aussi de la cosmogonie. Le RIG-Véda est l’un des plus anciens textes écrit en langue indo-européenne, situé vers 1200 av JC. On le suppose cependant beaucoup plus ancien de part sa source révélée. Composé d’environ 1028 stances, sous forme de 10 recueils, il relève de la tradition orale.
Le SAMA-Véda, "sagesse des chants", concerne l’art de la cantilation, des arts, du chant, des charmes de la poésie, et de la science des mantras.
Le YAJUR-Véda, "sagesse de la prose", concerne les cultes et les invocations lors des rites.
L’ATHARVA-véda, "sagesse des prêtres Atharvan", traite de l’aspect ésotérique, de la magie et de l’Ayurvéda.
Chaque Véda est lui-même divisé en quatre parties, mais les classifications peuvent varier ; certains donneront la classification suivante : mantras (syllabes sacrées, odes, stances), samhitas (l’art de leur prononciation), brahmanas (textes explicatifs du contenu psychologique des mantras), upanishads (résumé et nectar philosophique des trois précédents).
* Mais qui loue aussi les autres écritures sacrées non védiques, telles que la Bhagavad Gita, ou d’autres stances, odes et sutras.
51. Aussi faut-il la réciter
le plus souvent possible
avec les deux monosyllabes
OM et HRÎM, deux fois répétés.*
*Que le discours s’accorde et reflète l’esprit
et que l’esprit reflète le discours.
* Deux fois répétés signifie verbalement et mentalement.
Puisse L’absolu protéger celui qui parle et enseigne.
Puisse t-il me protéger, moi aspirant, qui écoute.
52. Telle est l’Upanishad.
Ici s’achève la Tripura Upanishad, appartenant au Rig Véda.
Hari Om Tat Sat
Commentaire et analyse par Jaya Yogacharya
bibliographie :
« l’enseignement secret de la Divine Shakti » de Jean Varenne aux edts Grasset
« 108 Upanishads de Martine Buttex aux edts Dervy