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Savoir ou Sagesse ?

Savoir ou Sagesse ?

Conférence donnée par Jaya Yogacharya en cours de méditation le 29 août 2014


Nous voilà de nouveau réunis pour reprendre avec joie, ce parcours spirituel sur lequel nous avançons ensemble. Pendant ces temps de séparations, chacun continue d’exister et tente d’appliquer pour sa propre expérience, les clés de ce bel enseignement yoguique. La vie nous mettant en situation de travail spirituel à chaque instant, c’est à nous de ne jamais oublier de nous en servir.
C’est à nous de comprendre que le savoir et la sagesse sont deux choses bien différentes.
L’un des enseignements de base du Védanta, repose sur le concept du Jivâtma, à savoir l’âme individuelle. Le problème du Jivâtma est dû à Adhyâsa, à savoir son identification à la personnalité humaine et tout ce que cela implique.

Pour le Védanta, nous nous identifions à des facteurs qui ne constituent pas notre véritable nature. C’est là, une grande servitude que nous nous imposons. Cette servitude nous empêche de faire l’expérience de ce qui est subtil en nous, de ce qui est absolu, voire de ce qui Divin.

Bien sur le Védanta vous dira qu’une des causes de cette identification erronée est de considérer que le corps est notre moi absolu, car le corps est fragile et périssable.
Adhyâsa est donc cette identification à nos agents limitants, (voir la théorie des trois corps), mais aussi à nos préjugés, à nos désirs, à nos passions, à nos sentiments, à notre égo, à ce qui fait notre quotidien, fait que nous faisons un avec eux.
Ainsi nous leur donnons tout pouvoir. En devenant tel sentiment ou tel objet du monde, nous perdons le discernement de la perception de ce qui
fondamental dans l’existence.
La vertu d’une pratique constante, est de nous ramener sans cesse à la pensée essentielle. Nous pensons constamment aux objets du monde et nous faisons précisément tout pour nourrir la racine causale de notre illusion, de nos attachements et donc de notre anéantissement.
Notre destin semble scellé, notre destinée semble inévitable parce que nous faisons tout précisément ce contre quoi l’enseignement nous met en garde.
Au lieu de pratiquer la réflexion sur la vérité de manière constante, nous passons le plus clair de notre temps à pratiquer la réflexion sur les objets des sens, sur nos émotions, nos sentiments et nous y adhérons complètement.
Nous nous identifions à tout ce qui passe.
L’enseignement du yoga nous apprend à regarder les choses de ce
monde avec l’œil du témoin et non à être celui qui subit ces choses.

Il nous faut activer en nous la conscience du témoin, la développer et la maintenir.

Swami Muktananda

Si l’Anthakarana (mental, intelligence, cœur ) sont voilés par l’illusion, vous n’aurez jamais le recul nécessaire pour comprendre l’existence.
Aussi longtemps que vous serez sous la coupe des émotions, vous ne cesserez de souffrir. Car les tendances de la pensée et du sentiment chez le commun des mortels sont négatives. Sa lutte dans l’adaptation au monde en est la cause.
Or la vison du monde peut être changée.

Elle peut devenir extatique.
C’est là tout le propos du tantra.
Le tantra vous dira de faire feu de tout bois.
Le Védanta enlève les illusions, le Tantra vous libère.
Ils semblent contradictoires et pourtant...
Ni l’un, ni l’autre, n’ont tort.
Ce qui les unit, c’est l’état de témoin conscient qui regarde le monde, que ce témoin jouisse ou non des agents temporels qui lui sont donnés.

Le pratiquant doit donc refuser de subir, car il doit se rappeler qu’il est là pour comprendre et s’améliorer chaque jour. Il se doit de progresser, de s’élever, d’aller vers la plénitude, même en traversant des tunnels.
Combien de gens ont une vie difficile, tortueuse, impraticable et dangereuse.
Sans la connaissance du réel et sans l’élévation de la conscience, la vôtre peut l’être aussi. Et si elle n’est pas tortueuse, elle peut être factice, falsifiée, contradictoire, non authentique.

Je vous ai dit tout à l’heure que nous ne devions pas confondre savoir et sagesse.
Lorsque je vous enseigne, trois étapes s’offrent à vous en tant que pratiquants.
Shravana, l’écoute,
Manana, la réflexion,
Dhyana, la méditation profonde.
Souvent, vous pratiquez l’écoute mais sans la faire suivre de manana, la réflexion. Pourquoi ? Parce que votre écoute se fait sans concentration.
Ce processus s’avère également bien souvent dans les autres aspects de
l’enseignement.
Vous écoutez du Védanta, mais devenez-vous Védantin dans la vie de tous les jours ?
Vous écoutez du Kriya yoga, mais devenez-vous éveillé ?

« La connaissance est un savoir sur les choses, la sagesse est la compréhension et l’expérience des faits », nous dit Swami Chidananda, védantin par excellence, disciple direct de Swami Sivananda et ayant repris la direction de l’ashram de Rishikesh à la mort de ce dernier.

S.Vivekananda

Le facteur subtil qui transforme le savoir en sagesse est pour le Swami, un mûrissement progressif de ce savoir en expérience, une compréhension profonde et essentielle. Ainsi pour le Védantin, cela reposera sur le contrôle des organes des sens ou autres agents limitants en s’en tenant éloigné et en pratiquant la non identification au périssable et à la dualité. La connaissance s’élève alors au-delà d’un certain point, mûrit en sagesse et gagne en grandeur.
Alors elle se transforme en éclair d’intuition. Et là, tout se révèle.

Pour le tantrika, il en est tout autre !
La sagesse reposera sur le contrôle certes des agents limitants, mais en les vivant pleinement et en les transcendant.
Les maîtres tantriques revendiquent la vision directe, une approche immédiate du divin, de ce qui est, du réel, sans intermédiaire, sans savoir.
Dans ce cas-là, le vrai maître tantrique n’est pas un intermédiaire pour vous aider à atteindre le divin, mais il doit vous aider à prendre conscience de ce qui est déjà là. Il n’est pas un pont entre le Divin et vous, il est le pont entre votre inconscience et la conscience.
Et là, le Tantra fait confiance à votre corps. Le Yoga le transmute.
« Il fait confiance à vos sens, à votre énergie vitale. Il vous fait confiance totalement. Il ne nie ni ne rejette rien, il transmute tout », dit Rajneesh.

Votre énergie, votre conscience humaine doit servir à vous réveiller, à vous tourner vers l’intérieur, à vous faire faire le voyage qui mène au-delà de la dualité, de la séparation.
Nous retrouvons là, la connaissance du Brahman (l’inqualifiable) du Védanta, de la fusion avec l’absolu, mais en passant pleinement par le sel de l’expérience.

C’est la fusion avec la Vie, avec ce qui EST.

La réalité peut-être approchée par deux voies : celle de l’intellect et celle de l’intelligence.
L’intellect élabore des théories, des abstractions, des raisonnements.

Mais la vie ne repose pas sur une spéculation. Elle EST.

L’inconnaissable est par définition inconnaissable et échappe donc au domaine de la pensée.
La pensée sert cependant à débroussailler les stratégies erronées.
L’intelligence n’est pas ce qui analyse. C’est une énergie, un mouvement vers l’élévation.
L’intelligence n’est pas une thèse sur l’absolu, c’est la quête de l’absolu.
La vie est à vivre dans tout son mystère. Elle n’est pas une équation à résoudre.
Elle ne demande à nos êtres que de fusionner avec elle.


Devant les énigmes de l’existence et les constats qui nous affectent, le mental et l’intellect butent sur des principes plus forts qu’eux.

Que pouvons-nous faire avec l’anxiété, l’angoisse, la dépression, la tristesse, le désespoir, le sentiment de l’absurde et du néant, l’inéluctable, la solitude humaine, la déchéance, la vieillesse, la maladie qui nous attendent tous.
Que voulons-nous en faire ?
Voulez-vous les vivre avec fatalité ?
L’intelligence spirituelle vous dira qu’il y a aussi le subtil, le beau, le paisible, l’amour. Les maîtres tantriques iront jusqu’à dire que l’existence est un orgasme éternel, ininterrompu et sans fin, une extase permanente.

Bien sur, le chemin est difficile pour s’en convaincre, et d’ailleurs vouloir s’en convaincre serait une erreur.

Osho Rajneesh

Le chemin de la pratique spirituelle est le chemin le plus sûr qui soit pour se libérer de tous les interdits, contraintes, tabous, devoirs, frustrations, jugements, qui nous empêchent de ressentir au plus profond de notre être et ce naturellement, sans l’artifice du mental, ce qu’est le vrai sens illimité de l’existence, ce qu’est la puissance du véritable amour, ce qu’est notre vraie place dans la danse cosmique.

C’est dans cette liberté intérieure que nous pouvons appréhender ce qui EST.
Que nous pouvons accepter cette carnation éphémère comme nous acceptons
cette liberté intemporelle de l’instant présent.
Hari Om Tat Sat
Jaya Yogachayra


Bibliographie :
« Contemplez ces Vérités » de Swami Chidananda, aux edts Terre du Ciel.
« Tantra, le Chant Royal de Saraha » d’Osho Rajneesh, aux edts le Voyage intérieur.
Commentaires et adaptation de Jaya Yogacharya.


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