Les nourritures
Conférence donnée par Jaya yogacharya en cours de méditation le 23/04/06
– Après vous avoir longuement parlé de la sadhana physique et mentale (la pratique spirituelle), je voudrais ce soir vous parler des nourritures nécessaires à préserver l’existence.
Si nous observons l’alimentation de l’être humain, nous pouvons affirmer à ce jour que l’homme a vraiment mangé de tout !! « Du cancrelas frit au chien macéré dans l’huile pendant six mois, des cervelles de singes vivants jusqu’aux fessiers congelés de ses propres congénères ! »
L’homme aurait-il quelques confusions concernant son mode alimentaire ?
Dans nos sociétés nanties, nous mangeons plus pour satisfaire le goût que pour nos propres besoins.
Ainsi, la langue devient un outil de contrôle et ne reste pas uniquement à sa tâche spécifique qui est de goûter et de trouver si cela est bon ou non. C’est d’ailleurs tout ce qu’elle peut faire. Elle n’est pas le maître et en tant que gardienne du goût, elle n’est pas habilitée à connaître les besoins du système digestif et savoir si c’est bon pour le corps !
La chaîne agroalimentaire et les centres de distribution du monde contemporain sont conçus pour piéger nos organes des sens ! Ils en connaissent leurs mécanismes. Votre goût et votre odorat ne sont pas si fiables que vous le pensez. Si on vous cache les yeux et vous obstrue l’odorat, votre goût qui dépend en partie d’eux, pourrait avoir quelques difficultés à identifier l’aliment proposé.
La langue n’est donc pas le maître. Une belle crème glacée pleine de produits chimiques est bonne pour votre goût mais certainement pas pour votre corps.
Essayez donc d’ailleurs de convaincre une vache d’avaler une crème glacée ! A part les vaches indiennes déambulant dans les grandes cités, peut-être !
Une alimentation saine est celle dont le corps a besoin !
Vous n’êtes ni une vache ni un lion, et d’ailleurs vous ne vous jetez pas sur un oiseau en plein vol pour le déchiqueter avec vos crocs et boire son sang chaud ! Vous préférez de loin le transformer avec des petits oignons !!
Par l’alimentation absorbée, on exprime différentes énergies, et certaines peuvent être des énergies de violence et de colère. Cette colère peut s’exprimer dans votre corps sous formes de crispations, de douleurs articulaires, de nœuds musculaires, de douleurs dans les mains, le cou, les mâchoires, les dents, etc.
Beaucoup de personnes ont les mâchoires crispées et si vous leur touchez les joues, la colère explose. D’ailleurs, les joues sont des zones très sensibles que l’on ne touche pas spontanément chez quelqu’un.
Par l’alimentation, sont assimilées des impuretés et des tensions qui rejoignent les émotions dans la zone du ventre. Ce dernier est la zone où sont réprimées de nombreuses émotions.
De ce fait découle l’incapacité pour un grand nombre de personnes à respirer par le ventre, d’où l’importance du Pranayama (les techniques respiratoires). Dans le ventre, nous réprimons l’amour, la sexualité, les peurs, les jalousies, et si ces mêmes personnes apprennent la respiration abdominale, elles sont davantage prêtes à lâcher leurs tensions enfouies et les conséquences qui en découlent. Lorsque le ventre (le cerveau abdominal) est bloqué, le corps est alors séparé en deux. Il y a perte de l’unité. Les petits enfants non encore affectés par le monde adulte ont souvent une respiration abdominale ample et naturelle.
Quant à la constipation, c’est un des maux de notre époque. La méconnaissance des mécanismes digestifs, une alimentation inappropriée, la sédentarité et les émotions réprimées en sont les causes. les mécanismes mentaux de cette auto-intoxication y jouent ainsi une grande part.
Le corps et le mental ne peuvent pas être séparés. Lorsque le mental réprime, le corps commence son processus de répression. Quand le mental libère tout, le corps libère tout.
Ils s’affectent l’un l’autre. Jeûner, manger sain, bien respirer, faire les exercices de yoga, contrôler son mental, permet d’avoir une vie alerte, flexible et souple.
Quant le corps devient alerte, de grandes quantités d’énergies sont libérées, de nouvelles dimensions s’ouvrent : le corps possède des pouvoirs cachés.
Quand vous récoltez les fruits d’une pratique régulière, vous vous apercevez que vous n’auriez jamais soupçonné que votre corps possédait autant de ressources en lui et que cela était si proche de vous.
Dans la tradition orientale, l’on dit : « tout ce que pensez être n’est que nourriture ».
Votre corps n’est que nourriture, votre mental n’est que nourriture, votre âme n’est que nourriture.
“Ce” qui est au-delà et qui n’est pas nourriture est cette conscience pure qui ne contient qu’elle-même. C’est une conscience sans contenu.
Lorsque le contenu persiste, la nourriture persiste - nourriture signifiant « tout ce qui est ingéré de l’extérieur ».
Le mental contient des pensées, des désirs, des peurs, des jeux de pouvoirs. Tout cela est de la nourriture pour le corps. Lorsque vous avez des idées fortes, votre poitrine se déploie, vous vous sentez bien ! Si on vous louange, vous êtes bien, si on vous critique, vous serez fatigué ou anéanti. De même, votre alimentation affectera votre mental d’une façon ou d’une autre. Le mental d’un régime végétarien n’est pas le même que celui d’un régime carné. Faites en l’expérience. Observez vos attitudes psychologiques après tel aliment ou tel autre. Observez sans porter de jugement ! Votre comportement est-il agressif, vulnérable, laxiste, instable, enthousiaste, excité ?
Les situations également peuvent nous nourrir à notre insu.
Souvent, nous passons des moments avec des personnes et cela n’est pas bon pour nous. Nous parlons, échangeons, recevons, écoutons, argumentons, donnons, et nous amassons tout cela comme si cela était précieux.
Écoutez moins, parlez moins, n’écoutez que l’essentiel. En parlant moins, vous observez plus et vous pouvez ainsi développer le sentiment de propreté, cette propreté du vide des autres.
N’emplissez pas trop votre mental de choses inutiles.
« Un homme adorait lire tous les journaux et revues qu’il pouvait trouver. Il allait chez son voisin pour prendre le journal du jour et si son voisin s’absentait dix jours, il attendait dix jours pour les récupérer. Le voisin un jour lui demanda « Mais pourquoi tous ces journaux ?
Mais, lui répondit-il, c’est que j’ai du temps à perdre, il faut bien que je m’occupe. Oh ! vous savez tous ces journaux c’est toujours la même chose, il n’y a que les dates qui changent !
Et qu’avez-vous donc fait pendant mon absence, lui demanda le voisin ?
Oh, et bien j’ai relu et relu les anciens journaux ! »
Il est fondamental de laisser dans son mental des espaces inoccupés, car ces espaces sont les premières étapes de la méditation, ce sont les premiers ressentis des plans subtils.
N’empoisonnez ni votre corps ni votre mental. Vous ne soupçonnez pas à quel point vous êtes déjà empoisonné par les idéologies qui dominent votre vie. A commencer par l’image sociale que vous avez de vous. Si vous pensez que vous êtes un bon chrétien, un bon musulman, un bon hindou, c’est une façon d’empoisonner votre mental avec une bonne conscience.
Apprenez à penser en tant qu’être humain, et si vous devenez un peu plus intelligent, essayez de penser en tant qu’être, tout simplement.
L’être inclut tout, la nature, les arbres, les étoiles, les oiseaux. Aucune idée, aucune idéologie n’est assez grande pour englober la notion d’être humain, aucun concept ne peut englober l’êtreté. Toutes les idéologies sont paralysantes. Nous croyons tous vivre selon un grand système idéologique. La société vous empoisonne depuis la petite enfance avec des idéologies dominantes. Beaucoup d’individus y adhérent par facilité, car elles leur fournissent des réponses toutes faites qu’ils n’ont pas à chercher par eux-mêmes. Cela les rend souvent stupides et inintelligents. Même le plus pur des plus purs peut être empoisonné par son mental. Prenez l’exemple d’un moine Jaïn ; son alimentation pure et végétarienne ne l’empêchera par d’avoir le mental pollué par l’extrême exigence de la pureté. Le Jaîn est pollué par le Jaînisme. Changer d’alimentation est beaucoup plus simple que de changer son mental.
Le yoga et la méditation ont pour but de vous rendre libre. Mais si vous les pratiquez avec rigidité, autoritarisme, alors le yoga deviendra aussi une idéologie paralysante, en condamnant tout ce qui ne relève pas du yoga !
Un homme libre est un homme qui sait qu’il peut compter sur sa propre intelligence dans n’importe qu’elle situation.
Le yoga doit vous apprendre cela.
Aujourd’hui, des chercheurs mettent en avant une nouvelle pathologie alimentaire, l’orthorexie, ou comportement additif au manger sain. Dans nos sociétés actuelles, les troubles alimentaires de plus en plus nombreux, mettent en évidence les malaises psychologiques de nos contemporains. L’orthorexie ou « manger droit » est une pathologie amenant à l’obsession de la pureté diététique et conduit l’individu à la recherche de la pureté extrême au point qu’il ne fait plus que cela. Il est aisé de comprendre l’analogie éventuelle avec une pratique du yoga narcissique.
Quant au prânisme, qui n’est rien de nouveau car cette méthode de nourriture du prâna et de l’énergie solaire est connue des yogis depuis bien longtemps, est aujourd’hui véhiculée sur la toile et certaines techniques y sont accessibles. Ce n’est pas sans grande dangerosité de s’y exercer sans guide.
Attention, VIVEKA, VIVEKA, le discernement, est l’arme avec laquelle vous devez trancher...
Hari om Tat Sat
Jaya Yogacharya