« L’Asthanga Yoga, le Yoga aux Huit branches »
Vibhûti Pada - Chapitre 3
1 ère partie- Le Samyama : Dharana, Dhyana, Samadhi
– L’Asthanga yoga et ses huit parties sont développés par Pantajali à la fois dans le 2 ème chapitre mais aussi dans le 3 ème.
Ce dernier chapitre va s’articuler autour de 3 grands domaines :
- L’ Antar yoga constitué par les trois derniers membres de l’Asthanga yoga.
- Les Siddhis c’est-à-dire les pouvoirs surnaturels obtenus par la pratique du yoga.
- La nécessité de dépassement des siddhis.
Vibhûti Pada sera donc principalement le chapitre des « pouvoirs ».
Samyama- Dharana
– Désha-bandhash chittasya dhâranâ Dharana, la concentration parfaite.
(Aphorisme 1 chap. 3)
Dharana est l’art de la concentration parfaite sur un point.
– Le « point » dont il s’agit ici peut-être à la fois un objet, un lieu, un sujet donné. La traduction exacte du sutra parle de « lier le mental en un lieu ». Le sens de « lier » indique bien le mouvement nécessaire que le mental doit réaliser pour s’unir sur l’objet de la concentration.
Dans le yoga, lorsqu’on désire illustrer auprès des élèves, cet état de parfaite concentration, on rappelle l’exemple de l’illustre Archer de la Bhagavad Gîta qu’était Arjuna.
Voici son histoire :
« Drona, un Maître d’armes, enseignait l’art du tir à l’arc aux frères Pandavas, les célèbres héros du Mahabharata. Un jour, Drona avait installé un poisson en bois sur la branche la plus haute de l’arbre le plus haut du lieu d’entraînement. Les cinq Pandanvas se tenaient là, prêts à essayer, à la demande de Drona, d’atteindre avec leur flèche, le dit poisson.
Drona appela le premier des frères et lui demanda avant qu’il ne tire :
« Ami, que vois-tu ? »
« Je vois le bleu du ciel, l’arbre, le vent dans les banches, le poisson » répondit-il ».
« Bien, répondit Drona, alors pose ton arc et ne tire pas ».
Il appela le second et lui demanda avant que ce dernier ne tire :
« Ami, que vois-tu ? ».
« Je vois l’arbre, les branches, la branche sur laquelle est le poisson, le poisson » répondit ce dernier ».
« Bien, répondit Drona, alors pose ton arc et ne tire pas ».
Il appela le troisième et lui posa la même question : « Ami, que vois-tu ? ».
« Je vois l’arbre, les branches, la branche, les feuilles, le poisson » répondit ce dernier ».
Et Drona ordonna la même chose.
Ainsi de suite, aucun prince ne pût tirer sa flèche.
Drona appela enfin Arjurna et lui posa la même question ; Arjurna répondit :
« Je ne vois que l’œil du poisson et rien d’autre ».
Drona lui dit alors ; « Ajuste ton arc et tire ».
Seule l’intensité de la concentration permet d’unir l’observateur et l’objet d’observation.
– La conscience de l’objet observé est maintenue. Dharana est la conscience du mental sur l’objet de concentration. La conscience que l’on est en train de se concentrer ne disparaît pas. Si tel était le cas, nous plongerions alors dans les états avancés de Dhyana, de méditation profonde.
La concentration peut porter sur des objets extérieurs ; elle peut également se faire sur des supports plus intérieurs comme les chakras du corps, sur des zones physiques plus ou moins subtiles ; elle peut se faire aussi sur des plans mentaux et plus éthériques. Voir tableau de Dharana.
La nature de son support, le lieu de son action, et l’intensité de sa pratique la positionne sur l’échelle des valeurs allant du simple retrait des sens, en passant par la concentration duale pour atteindre ensuite les plus niveaux profonds de la méditation.
Ce qui donc caractérise Dharana, c’est sa capacité à être interrompue.
Samyama - Dhyana
– Tatra pratyaya-ekatânatâ dhyânam Dhyana la méditation.
(Aphorisme 2 chap.3)
Dhyana est l’art de maintenir le flot continu de la conscience .
– Dhyana, l’état de Méditation vient lorsque Dharana est maintenue sans interruption. Mais plus encore, cet état est maintenu lorsque le mental n’est pas interrompu par les vagues de pensées (les Vrittis).
Dhyana c’est aussi malgré tout cet état où nous avons encore conscience que nous méditons.
L’objet de méditation peut donner l’impression de disparaître, mais la conscience de la pratique reste.
Là encore, il y a différents niveaux degrés dans l’expérience, et ils dépendent en fait de la présence de la dualité.
Samyama- Samadhi
– Tad-eva-artha-mâtra-nirbhâsam svarûpashûnyam iva samâdhi.
(Aphorisme 3 Chap3)
L’état de Samadhi survient lorsque la conscience est établie dans Cela, sans forme ni qualité.
– Lorsque dans la pratique méditative, il y a disparition de la dualité entre l’objet de méditation et le méditant, c’est l’état le Samadhi, c’est l’état d’union. Mais il y a plusieurs niveaux, et aux premiers stades de Samadhi, nous ne sommes pas encore dans l état ultime de fusion avec le Soi, l’absolu.
Pour Patanjali, il y a une classification graduelle des différents états de Samadhi, selon que la méditation reste duale ou qu’elle ne l’est plus (avec graine ou sans graine).
Au premier grade de Samadhi, celui qui vient juste après Dhyana, nous passons effectivement dans un état d’union mais gardons toutefois encore la présence de l’objet de méditation. C’est la fusion avec cet objet (divinité, concept, mantras, etc.) qui donne en apparence la disparition de cette dualité. Mais en fait, rien ne disparaît. L’objet de méditation brille de tout son éclat et la perception de l’acte de méditation disparaît.
Ce n’est que lorsque le Yogi expérimente enfin les états de fusion ou de dissolution avec le Soi (Laya yoga), où tout objet et toute conscience de la pratique ont disparu, que l’on aborde les différents stades des profonds Samadhi décrits dans le premier chapitre.
– Quant Dharana est parfaitement réalisée, c’est Dhyana.
– Quant Dhyana est parfaitement réalisée, c’est le Samadhi.
Samyama est l’accomplissement de ces trois états. C’est l’état obtenu par les effets d’une pratique quotidienne. C’est un état de prâna qui habille le corps et le rend brillant et jeune, c’est une conscience alerte et omniprésente qui donne au méditant les facultés non-ordinaires.