Mener un cheminement spirituel nécessite de suivre un sentier, une route défrichée ou pas s’il y a ou non un guide, et d’essayer d’avancer de plus en plus élégamment, afin d’atteindre des paysages où la conscience individuelle s’élargit suffisamment pour englober la vision de la réalité absolue et savoir en saisir sa finalité nous concernant.
Cela nécessite une soif d’apprendre, du temps, de l’expérience, de la maturité mais aussi du courage, de la témérité et de la constance !
Pour cela, il est nécessaire d’avoir l’âme d’un aventurier, d’un expérimentateur de la réalité intérieure autant qu’extérieure. L’objectif n’est pas d’avancer vers une impasse, une grotte sombre où l’écueil est possible si le parcours est médiocre, mais plutôt de se diriger vers un ciel étoilé de vérités afin que l’on saisisse fondamentalement le sens de sa propre manifestation dans ce monde-là et dans cet « espace-temps-là ».
Ce chemin peut s’avérer au début, escarpé, difficile, voire pour certains obscur et ténébreux d’autant plus si le point de départ est déterminé par un handicap quelconque, voire une cause douloureuse ou un mal-être existentiel.
Mais il peut être aussi rapidement révélateur d’une dimension insoupçonnée pour le chercheur lui-même en amorçant en lui une totale révolution positive de son être. Il le fait par une régénération physique et mentale ainsi qu’une remise en question de ses anciennes croyances ou perceptions du monde.
Il permet de révéler la potentialité d’être de celui qui se met en quête en lui apprenant à se synchroniser harmonieusement avec le réel.

Si ce cheminement ne relève pas uniquement de la spéculation intellectuelle mais utilise aussi des pratiques spécifiques, ces dernières sont pareilles à différents types de marches ou moyens de locomotions disponibles, outils existants selon les contextes ou les époques. Les moyens étant censés augmenter avec l’évolution !
Bien que nous ayons l’impression, avec notre degré technologique de développement actuel (voyages spatiaux, prospection dans l’infiniment petit, IA, nanotechnologie, biotechnologie, ordinateur quantique, les bio-ordinateurs, etc.), que nous explosons les limites ancestrales de la réalité matérielle, sommes-nous si évolués que cela en termes de connaissance de nous-même et de nos propres comportements ?
Ceux qui développent aujourd’hui des algorithmes comportementaux pour nos futurs robots intelligents sont ils eux-mêmes très développés psychologiquement pour anticiper toute réactivité comportementale de leur machine et sont-ils animés d’une éthique qui puisse se porter garante ?
J’en ai déjà parlé maintes fois.
Pour revenir au cheminement yoguique et aux connaissances millénaires qui servent de supports à la plupart des pratiquants, reconnaissons que des fleuves de connaissances du comportement humain ont coulé entre les Yogasūtra योगसूत्र de Patañjali पतञ्जलि, entre 300 av JC et 500 ap JC, référencés comme étant le premier traité de psychologie avant l’ère et les neurosciences d’aujourd’hui.
Beaucoup de temps s’est écoulé et grandes sont les différences entre les principes védantiques métaphysiques du 2e s ap JC et la métaphysique d’aujourd’hui.
Qu’est-ce qui reste fondamental et d’actualité chez les premiers et qu’est-ce qui est véritablement révolutionnaire chez les seconds ?
Dans une certaine mesure, entre la vision divine des siècles passés, l’aspiration à la transcendance qui allait de pair avec la notion du divin et le transhumanisme d’aujourd’hui semblant bien opposé, y aurait-il encore un lien ? On y retrouve toujours cette soif de transcender les limites ; lesquelles et pour aller où ?
Le transhumanisme serait-il cependant le fruit de ces démarches millénaires ?
Les transhumanistes prônent le droit moral, pour ceux qui le désirent, de se servir de la technologie pour accroître leurs capacités physiques, mentales ou reproductives et d’être davantage maîtres de leur propre vie. Ils souhaitent s’épanouir en transcendant leurs limites biologiques actuelles.
Bien sûr, un pratiquant de yoga rétorquera par la négative en argumentant que l’un appartient à la démarche spirituelle ancestrale naturelle ayant pour objectif le Divin et l’autre à la démarche hyper-technologique contemporaine ayant pour objectif l’homme lui-même, deux mondes en apparence opposés et impossibles à comparer.
Et pourtant, nous pouvons peut être, être amenés à les faire se rejoindre un jour, si ce n’est déjà en marche.
Le XXe siècle semble avoir, avec la révolution de l’approche quantique du monde et c’est son paradoxe ;
– d’un côté, boycotté la notion du sacré dans la relation millénaire intuitive, contemplative et dévotionnelle avec le divin en relativisant la réalité et la notion de l’espace-temps, relativisant Dieu lui-même,
– et d’un autre côté, trouvé un écho fondamental repris par les grands discours spirituels du XXe et du XX1e s lorsqu’il s’agit de la perception de nous-même et de notre réalité, dans ce réel redéfini comme indéfinissable et relatif, lui redonnant cette dimension métaphysique yoguique et millénaire d’absolu inqualifiable et potentiellement infini.
Plus que jamais, l’homme d’aujourd’hui, fort de ses connaissances scientifiques et quantiques tente de déchiffrer la réalité, la propose comme étant constituée d’algorithmes qu’il peut comprendre et manipuler afin d’optimiser son interaction avec elle. Il admet aussi la part d’incertitude mathématique.
C’est le propre de la démarche scientifique.
Ces approches concernent peu le commun des mortels préoccupés à survivre. Cependant, une grande majorité d’hommes et de femmes dans les pays nantis, profitent déjà des nombreuses applications technologiques sans en avoir forcément la connaissance qui les produisent. Si les applications sont florissantes dans le plan pratique, qu’en est-il dans le plan comportemental humain, en dehors de la consommation de ces nouveaux supports technologiques ?
Les dernières études montrent que les jeunes gens entre 18 et 25 ans sont beaucoup plus dépressifs que les générations précédentes. La cause en serait ce nouveau monde et les réseaux sociaux où l’identification à tout ce qui se montre ou se dit, poserait un sacré problème de repères et d’identité. Et pourtant, ils baignent dans une société technologiquement de plus en plus assistée, diversifiée et divertissante.
Dans notre monde contemporain, l’intuition, outil puissant des mystiques anciens est reléguée à un rôle secondaire au profit de l’intention, donnant à l’humain le pouvoir de la volonté face aux lois de l’Univers.
Ce bouleversement comportemental, peut développer un ego surdimensionné chez l’homme, bien à l’image de nos contemporains, ce dernier restant cependant dans ses rails face à une réalité qui n’est pas si facilement manipulable que cela.
La réalité nous impose toujours ses limites.
La preuve, nous envoyons des télescopes spatiaux hyper performants sonder le fin fond du cosmos, (James Webb le dernier en date), et ne sommes toujours pas aptes à maitriser les éléments sur notre petite planète. A quand des barrières bio-technologiques pour arrêter le feu, l’eau ou les cyclones ?
Pour revenir à la volonté humaine, un de ses effets caricatural et illusoire s’observe chez les dirigeants mondiaux actuels, qui, par le pouvoir et l’argent, coassent à en exploser. Le risque est qu’ils se dilatent à la dimension planétaire et que nous explosions avec. Chefs des armées et des pouvoirs technologiques pour gouverner, ils jouent avec le feu, ouvertement et plébiscités par les foules coopératives, naïves voire admiratives.

S’illusionnent-ils de penser que leur pouvoir puisse-être illimité ?
C’est oublier le pouvoir premier de la nature, de l’ énergie suprême et de la conscience indissociée qui l’animent.
La préoccupation du comportement humain fut l’apanage des hommes spirituels, voire des sages, des philosophes durant des millénaires. Aujourd’hui, nous devons rajouter au rang des professionnels de la psyché humaine du XIXe et XXIe s, psychologues, psychiatres, psychanalystes, neuroscientifiques et bien d’autres.
« Le champ de la recherche en neurosciences est un champ transdisciplinaire « nous dit wikipedia ;
« biologie, chimie, mathématiques, bio-informatique ainsi que la neuropsychologie sont utilisées en neurosciences. L’arsenal conceptuel et méthodologique des neurosciences va de pair avec une diversité d’approches dans l’étude des aspects moléculaires, cellulaires, développementaux, neuroanatomiques, neurophysiologiques, cognitifs, génétiques, évolutionnaires du système nerveux.
Les neurosciences sont souvent présentées sous l’angle des neurosciences cognitives, tout particulièrement les travaux utilisant l’imagerie cérébrale : certaines applications des neurosciences cognitives peuvent être employées en économie, en élevage, finance, marketing, droit et intelligence artificielle. »
La physique quantique quant à elle, a apporté une révolution conceptuelle ayant des répercussions jusqu’en philosophie en remettant en question le déterminisme.
Elle a permis nombre d’applications technologiques : énergie nucléaire, imagerie médicale, laser, etc. Un siècle après sa conception, elle est abondamment utilisée dans la recherche en chimie, physique, astrophysique, mathématiques et, récemment, en informatique (ordinateur quantique, cryptographie quantique).
Elle est considérée avec la relativité générale d’Einstein comme l’une des deux théories majeures du XXe siècle.
La physique quantique est connue pour être contre-intuitive et nécessite de comprendre des mathématiques ardues, finalement peu comprise par une majorité de gens.
La raison principale de ces difficultés est que le monde quantique (limité à l’infiniment petit, mais pouvant avoir des répercussions à plus grande échelle) se comporte très différemment de l’environnement macroscopique auquel nous sommes habitués.
Les différences fondamentales qui séparent ces deux mondes sont par exemple :
– la quantification : valeurs observables ou non,
– la dualité onde-corpuscule : notions d’onde et de particule séparées en mécanique classique, deviennent deux facettes d’un même phénomène.
– le principe d’indétermination : une « indétermination » fondamentale empêche la mesure exacte simultanée de deux grandeurs conjuguées dans certains cas.
– le principe de superposition quantique : si l’évolution d’un système est bel et bien déterministe, la mesure d’une valeur observable d’un système dans un état donné connu peut donner aléatoirement une valeur prise dans un ensemble de résultats possibles.
– l’observation influe sur le système observé : au cours de la mesure d’une observable, un système quantique voit son état — initialement superposé — modifié. Ce phénomène, appelé réduction du paquet d’onde, est inhérent à la mesure et ne dépend pas du soin que l’expérimentateur prend à ne pas « déranger » le système ;
– la non-localité ou intrication : des systèmes peuvent être intriqués de sorte qu’une interaction en un endroit du système a une répercussion immédiate en d’autres endroits. Ce phénomène contredit en apparence la relativité restreinte pour laquelle il existe une vitesse limite à la propagation de toute information, la vitesse de la lumière ;
– la contrafactualité : des évènements qui auraient pu se produire, mais qui ne se sont pas produits, influent sur les résultats de l’expérience.
La physique quantique met bien en évidence la présence d’incertitude, de relation relative selon le contexte de l’observateur, des relations entre particules défiant les distances et la vitesse de propagation de l’information, et finalement, affirme la présence d’un champ informationnel qui se révèle ou pas à l’observation.
C’est ainsi qu’aujourd’hui, nous avons des conférenciers de formation en physique quantique se présentant comme porteurs de sagesse ou coaches en méditation, en développant des nouvelles doctrines. Mais en finalité, on y retrouve les grands paradigmes spirituels millénaires.
Leur vision « mathématiquement quantique » de la réalité leur permet de calquer les algorithmes quantiques sur les comportements psychologiques humains.
Et ça marche !
Ils arrivent ainsi à déterminer comment fonctionne la réalité ou du moins comment elle pourrait fonctionner dans ce point de vue là et quels seraient les comportements humains optimisés les mieux adaptés pour cesser de la subir mais plutôt la contrôler de façon positive.
Certaines de mes anciennes conférences, en abordant les notions d’intention, du champ informationnel, des possibles manifestations du pouvoir de l’esprit sur le réel, etc, concepts yoguiques déjà identifiés, illustrent ces grands principes quantiques.
Ainsi donc, nos contemporains réinventeraient-ils la roue déjà existante de la sagesse ?
En fait, ils permettent finalement de retranscrire en langage contemporain et compréhensible par les nouvelles générations des vérités millénaires.
Leur point de départ reste cependant un point de vue relatif et sujet aux limites de la connaissance scientifique du moment.
Au cours des décennies de réflexions sur le yoga faites par mes soins, j’ai pu constater que les innovations de pensée ne font que de redécouvrir certains vérités exprimées autrement par les anciens. Certains semblent finalement affirmer des perspectives ou des fonctionnements du réel déjà révélés par les textes sacrés.
Reconnaissons cependant que certaines perspectives et pensées d’aujourd’hui sont fondamentalement révolutionnaires pour l’esprit et l’expérience humaine.
L’aventure continue et peut être exaltante pour l’esprit..

Plus nous comprenons le réel, plus nous développons nos connaissances sur le cerveau humain, plus nous serions aptes à syntoniser nos comportements et nos émotions avec la réalité du monde. En technologie, syntoniser c’est ajuster deux circuits électroniques qui ont la même fréquence entre eux.
Depuis des années, vous êtes dans une démarche où vous avez appris beaucoup sur vous même.
Vous avez appris à chasser les inerties, à développer l’état d’observateur, à contrôler davantage vos émotions, à débusquer les illusions, les fausses identifications.
Vous avez appris à maitriser le cheval fou du Prāṇa प्राण, à dompter votre corps et l’amener à vieillir en souplesse et en négociation.
D’un être ordinaire enchâssé dans des mécanismes ignorants et souterrains, vous avez évolué considérablement par le fruit de votre travail spirituel. Vous vous réalisez à un niveau d’expression de vous-même plus abouti, plus subtil. Mais le travail d’auto-sculpture intérieure que vous faites doit faire face bien trop souvent encore à vos mécanismes profonds instinctifs.
Notre cerveau humain a parmi de nombreuses fonctions, trois fonctions importantes qui sont celles de percevoir la réalité qui nous entoure, savoir l’interpréter et enfin savoir syntoniser les deux en synchronisant la pensée, la mémoire et l’état d’être.
D’un point de vue quantique, certains auteurs affirment que le cerveau ne stocke pas de souvenirs ni de pensées. Il fonctionne comme un récepteur radio, une antenne. Nous avons vu en cours de Kriyā क्रिया avancé comment la pinéale, petit émetteur et récepteur radio, peut se connecter par des champs électro-magnétiques, des processus neuro-chimiques et électro-praniques, et peut capter des informations du champ informationnel de la réalité.
Certaines techniques de yoga, prāṇāyāma प्राणायाम et méditation activant cela.
Se mettre en syntonisation, c’est donc se brancher sur la matrice pour certains, sur le champ informationnel infini de la réalité pour d’autres.
Sans faire des pratiques avancées yoguiques, nous pouvons simplement déjà syntoniser notre état d’être avec la réalité par l’état d’observateur quels que soient les niveaux d’intensité ou de profondeur de cette prise de conscience.
L’état de supra-conscience dont on parle beaucoup en yoga et en spiritualité en général, n’est pas uniquement l’état abouti de transcendance et de compréhension divine amenant à la libération de l’être, voire sa mort physique et la fusion avec l’absolu par révélation de cet absolu. Cela est l’objectif, l’aboutissement.
L’état de supraconscience peut être plus simplement un état de cognition supérieure obtenu par les pratiques yoguiques ou comportementales.
L’état de méta-cognition consiste à être l’observateur du processus de ses mécanismes de pensée et donc des émotions conséquentes. Elle permet de se « désidentifier » d’eux.
C’est la base de la pratique méditative.
Mais cela peut devenir aussi la base de vos mécanismes mentaux quotidiens.
Nous pouvons ainsi jouer avec le flux de ses pensées, entrer dans des processus créatifs et de connaissance intuitive ou analytique. Alors nous fusionnons avec nos pensées et nos émotions.
Mais qui dit pensée, dit énergie de la pensée.
Or les énergies de nos pensées ne sont pas toujours positives et bénéfiques.

« Défusionner » de ses pensées, c’est prendre la distance par rapport à elles.
Cela va nous permettre de déraciner les mauvaises habitudes de pensée, les mauvais comportementaux mentaux et inconscients que nous n’aimons pas en nous et que nous ne voulons plus reproduire, tels la colère, la rancœur, etc. Dans la méditation comme l’état de veille habituel quotidien, « défusionner » nécessite une pratique régulière de prise de conscience. Concrètement, comment puis-je changer ces mauvais comportements avec l’intention d’enlever les mécanismes négatifs en moi ? Ici nous retrouvons bien le concept de l’intention d’agir sur le réel, puisque en changeant mes comportements, je change ma réalité.
Comment donc ? En me désidentifiant d’eux.
Par exemple, si vous souffrez de fatigue chronique, due en partie au stress, aux responsabilités diverses et que vous vous dites : « Je suis fatigué », vous créez alors une identification à cette fatigue qui pèsera plus lourd en vous puisque par le pouvoir du verbe « être » car vous la cristallisez, vous la manifestez.
N’oubliez pas, les mots sont créateurs !
Au lieu de dire intérieurement « Je suis » , si vous pensez « J’ai de la fatigue », vous commencez la désidentification. Vous la tenez un peu plus à distance.
Continuez ce même processus récursif, et transformez mentalement « J’ai de la fatigue » par « J’ai conscience que j’ai de la fatigue ».
Vous augmentez ainsi votre état de conscience de vos propres processus de pensée et devenez de plus en plus observateur. Vous atteindrez enfin l’état d’observateur désidentifié en formulant mentalement ; « J’ai conscience que Je pense que J’ai de la fatigue ».
Vous commencez alors à toucher du doigt les états de conscience supérieurs, vous mettant à l’abri des mécanismes instinctifs et primaires lorsqu’il s’agit par exemple d’émotions ou de l’effet des énergies négatives que la fatigue ou la maladie peuvent augmenter.
La notion de méta-cognition est ancienne, on la retrouve déjà dans le traité De l’âme d’Aristote. Confucius, quant à lui, affirmait déjà qu’il ne saurait y avoir de savoir sans une forme de récursivité du savoir :
« Veux-tu que je t’enseigne le moyen d’arriver à la connaissance ?
Ce qu’on sait, savoir qu’on le sait ; ce qu’on ne sait pas, savoir qu’on ne le sait pas : c’est savoir véritablement. »
Hari Om tat Sat
Jaya Yogācārya
©Centre Jaya de Yoga Vedanta La Réunion & métropole
Remerciements à C. Pellorce pour ses corrections