L’année passée fut riche en changements et émotions.
Non, je ne parle pas des ascenseurs émotionnels médiatiques et « footballesques » qui touchèrent la moitié de nos concitoyens, voire la moitié de la planète.
Je parle de notre vie de pratiquants yoguiques.
Nous ne poussons pas un ballon du pied pour le mettre dans une cage et ne sommes pas applaudis en conséquence, ni payés en millions.
Sans remettre en question la valeur sportive des héros du moment et notre aptitude à apprécier leur performance, cette liesse générale savamment structurée par les médias et les organisations concernées donne le spectacle de la folie des hommes et de leur acquiescement à des systèmes qui se nourrissent financièrement de leurs bonnes volontés, de leurs émotions en façonnant leurs croyances et leurs nouveaux dieux.
Rien n’a changé sous le ciel sauf l’échelle à laquelle se passe ce phénomène.
Quant à nous, nous poussons patiemment notre monde infiniment rond pour qu’il atteigne l’absolu et cela, sans spectateurs.
Nous poussons chaque jour la maitrise du corps devant le vieillissement, pour le plier et assouplir ce qui rechigne à rester souple. Nous jouons à contrôler l’ingouvernable Prāṇa प्राण. Nous défions le feu de la Kuṇḍalinī कुण्डलिनी et jouons avec sa force dangereuse en nous pour la dompter. Nous poussons le jeu du silence dans un monde de bruit. Nous œuvrons à l’endurance dans les épreuves de l’existence. Nous façonnons le service et l’attention à l’autre, le déracinement de l’égo dans un monde où on lui érige un culte. Nous cultivons l’étude, la réflexion, la connaissance millénaire et sacrée et nos dieux yoguiques dansent au jeu cosmique.
Nos ballons atteignent le feu, la lune et le soleil à l’insu d’un plus grand nombre.
Durant 2022, le Centre Jaya a passé de nombreux caps pour assurer la délicate transition de notre départ de la Réunion et grâce à la bonne volonté de tous, nous avons pu maintenir les enseignements et la pratique.
La volonté inébranlable étant le trait de caractère des pratiquants, la soif de connaissance et la quête à l’élévation de nous-même rendent nos cheminements, lumineux et conscients quelles que soient leurs difficultés.
Nos amitiés infaillibles mettent au défi le meilleur de nous-même dans les challenges de nos vies personnelles respectives mais aussi dans le maintien du groupe des yogis que nous sommes.
Que ce que nous avons déjà accompli dans notre vie de pratiquant, chacun d’entre-nous, soit un terreau de confiance et de force pour nos actions spirituelles et sociales futures.
Que ce que vous avez déjà accompli pour votre propre éveil intérieur et qui vous a rendu meilleur, plus conscient, plus généreux, plus serviable, moins aveugle, plus libre, soit votre humble fierté et votre propre ravissement.
Cela, vous le savez, ne s’est pas fait sans efforts !
Comme je le disais à la fin du dernier cours de l’année du kriyā क्रिया avancé, dans cette voie de l’excellence, il ne peut y avoir de compromis avec votre pratique.
Dans l’approche de l’essentiel, il ne peut y avoir de compromis avec l’absolu.
Un pratiquant ordinaire est celui qui en fait.
« Ah ! aujourd’hui, j’ai une course à faire et ne pratiquerai pas . Ah ! aujourd’hui, je reçois mon cousin. Ah ! aujourd’hui j’ai promis de faire une ballade. Ah ! aujourd’hui je suis fatigué... »
Comment pouvons-nous aller chercher au fond de nous le possible si le cheminement est si peu déterminé ?
La force intérieure nécessaire pour plonger dans les profondeurs de la conscience nécessite la mise en action d’une śakti शक्ति qui siège elle-même dans les profondeurs de nos inerties.
N’ayez crainte à vous bousculer, d’autant plus si vous êtes âgé !
Cessez de ronronner.
La pratique régulière, a, pour chacun d’entre-nous et quel que soit notre âge, la vertu d’une purification souterraine.
A notre insu, elle soigne, renforce, déracine, défriche, nettoie toxines physiques et mentales. Elle révèle les évidences, met le doigt sur les incohérences émotionnelles, comportementales.
A des niveaux avancés, la pratique vous maintient loin de « l’ordinarité » du monde.
Cessez d’être des gens ordinaires et moyens. Vous le resterez si votre pratique l’est.
Un être hors du commun est un être qui a une discipline, un idéal élevé, qui se donne des défis hors du commun et qui fournit les efforts nécessaires pour l’atteindre.
Bien sûr, dans ce rappel à la pratique et ce positionnement, les lecteurs pourraient penser que nous nous prenons pour des êtres purs, supérieurs, fiers de leur pratique et que nous pensons être le centre de tout ce qui relève de la spiritualité et de la lumière, que les autres sont dans l’erreur.
Le seul but de l’égo est d’affirmer sa seule importance, nous rappelle V. Zeland.
Un groupe de pratiquants tel que le nôtre, peut tomber dans ses propres pièges, ceux du système qu’il a crée et ce par des identifications erronées.
D’où la nécessité de se rappeler sans cesse à la vigilance et l’état d’observateur pour soi-même et pour les autres afin de maintenir le discernement et la liberté individuelle.
L’autre danger pour les pratiquants d’âge mûr est de penser qu’ils ont tout vu, tout compris.
La force vitale et créatrice diminue considérablement lorsque la personne cesse d’être en quête.
Et c’est ainsi que nous rencontrons des gens rassasiés de la vie regardant le monde avec indifférence, ayant tout vu, tout vécu.
Attention à ne pas vieillir trop vite avec un tel état.
Le yoga vous apprend à ne jamais aborder ou faire une même pratique avec un œil rassasié. Ne soyez jamais fatigué de regarder le monde les yeux grands ouverts car c’est ce regard-là qui éveillera en vous l’énergie.
Si l’homme ne cherche plus à s’élever, il cesse d’évoluer.
La vie est un processus où il ne peut pas y avoir de pause. Nous n’allons pas nous mettre en congélation par ennui ou par dépit et attendre que ça passe pour laisser venir un nouveau monde plein de curiosités à découvrir.
Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne.
L énergie s’enflamme lorsqu’on s’engage dans l’action.
L’action génère l’intention, l’intention attise l’énergie.
L’énergie est partout, elle nous vient de la vie, de l’univers.
Elle est disponible et nous pouvons en prendre énormément.
C’est ce que nous faisons d’ailleurs en permanence.
Mais il n’est pas impossible de sentir qu’il vous faudrait aller en chercher énormément en vous ou ailleurs et avec beaucoup d’efforts pour déplacer les montagnes de votre choix ou atteindre vos idéaux.
Or, nous en utilisons considérablement chaque jour.
A quoi ?
A nos obligations multiples, nos restrictions multiples, aux devoirs que nous nous sommes imposés. S’engager à faire quelque chose c’est se charger d’un poids.
Nous pouvons lui rajouter des conditions qui sont elles-mêmes un nouveau poids.
Puis vous avez promis à quelqu’un quelque chose, et voilà un nouveau poids.
Ainsi de suite, nous avons des poids qui pèsent sur nos vies en permanence. Il nous faut beaucoup d’énergie pour les assurer chaque jour.
Souvent, vous ne discernez pas la priorité de ces obligations et êtes pris dans les affres du devoir, du « qu’en dira t-on », de l’obligation familiale ou professionnelle.
Et là, vous oubliez de prioriser votre quête personnelle, votre pratique.
Vous tomberez malade si le poids est trop lourd.
L’horizon deviendra triste et ennuyeux et les évènements seront identiques à l’image de vos pensées. La réalité devient alors de la couleur de vos pensées.
Si vous accordez de plus beaucoup d’importance à ces obligations, alors leur poids va peser en excès sur vos épaules.
La vie peut devenir très vite ingérable.
Nous traversons pour beaucoup d’entre-nous la vie avec des lourdes charges, toutes sortes d’obligations, d’affaires inachevées, de projets non aboutis, de promesses non tenues.
Toute obligation que nous nous imposons porte sur nous une charge qui nous prend une part de l’énergie de l’intention.
Et il nous faut avancer avec cette charge.
C’est pour cela que vous sentez qu’il vous faut aller chercher beaucoup d’énergie pour réaliser tel ou tel projet et que vous en manquez.
Tous ces projets non aboutis focalisent une quantité d’énergie considérable que nous pouvons libérer pour réaliser le projet qui nous tient à coeur, celui qui sera essentiel à votre avancée.
Il n’ y a pas que les projets non aboutis qui bloquent notre énergie, il y a aussi toutes ces mauvaises habitudes qui peuvent devenir des poids énormes dont vous voulez vous débarrasser depuis longtemps, car elles bloquent votre énergie dans des réserves inutilisées.
Il y a donc trois façons d‘augmenter votre force vitale.
La première : libérer les ressources engagées et inutiles.
Cela vous demandera d’avoir une analyse objective sur vos mécanismes actuels et un sacré déblayage, mauvaises habitudes, projets avortés, rêvasseries, illusions, grands discours sans fondation ni actions, etc.
Les deux autres : entrainer les flux énergétiques et élargir les canaux énergétiques. Si ces deux stratégies sont rendues royalement possibles par la pratique yoguique et méditative, elles seront d’autant plus efficaces si dans votre vie personnelle en amont, vous comprenez ces mécanismes énergétiques universels et en appliquer les principes par rapport à vos investissements, vos choix, vos actions, vos engagements, vos relations.
A vous d’aiguiser cela sans tomber dans le piège de l’égocentrisme qui consiste à se protéger de tous et de tout sans rien ouvrir ni partager.
Confiance, l’univers regorge d’énergie pour vous et même si vos obligations sont nombreuses, soyez léger vis à vis d’elles, non pas irresponsable, bien sûr, juste léger et confiant.
C’est dans la joie de vivre que réside une belle énergie disponible, dans le désir de s’élever, de réussir, de partager, d’aimer, dans l’optimisme. C’est là que l’énergie de l’univers est pour vous disponible et en surabondance.
Un niveau élevé d’énergie rend une personne inspirée apte à générer des idées fortes et trouver des solutions pour elle-même et pour les autres s’ils sont dans le besoin.
C’est la porte à la création pure et à l’éveil.
Vous avez en cette fin d’année, cherché les illuminations de Noël, n’oubliez pas de trouver pour la nouvelle, la vôtre intérieure...
Hari Om Tat Sat
Jaya Yogācārya
Bibliographie :
– « Les pommes tombent du ciel » de Vadim Zeland aux edts Exergue
– Adaptation et commentaire de Jaya Yogācārya
©Centre Jaya de Yoga Vedanta La Réunion & France
Remerciements à C.Pellorce pour les corrections