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« Spanda »

Conférence donnée par Jaya Yogācārya en cours de méditation du 13 sept 2019

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Nous avons la chance de pratiquer ensemble, pour certains d’entre-vous depuis de longues années, cette magnifique science qu’est le Yoga.
Même si le yoga est souvent considéré comme un simple entrainement physique ou un moyen de détente un peu folklorique, il n’en reste pas moins une science spirituelle complexe aux objectifs très élevés.
Ses préoccupations essentielles sont avant tout de permettre à l’homme l’union avec l’univers. Il pourra le faire en développant l’état de témoin, en déracinant l‘égo, en élargissant la conscience, et enfin en reconnaissant l’Absolu, par la rencontre avec l’Ātman आत्मन् ( l’âme individuelle) et Brahman ब्रह्मन् ( l’ inqualifiable).

Le yoga est de nature transcendantale, c’est son seul but.

Vouloir expérimenter l’inqualifiable, donc l’inconcevable nécessite de se tourner vers les aspects supérieurs et subtils de l’existence.
En spiritualité, nous nous tournerons vers ce que l’on définit comme tels, à savoir le plan divin.

Les nombreuses pratiques du yoga qui visent à ces objectifs élevés vont à la fois toucher :
 à la transcendance du corps et de l’esprit par l’éveil d’une énergie fondamentale (la Kuṇḍalinī कुण्डलिनी),
 à la transcendance du mental Manas मनस् par le Mahā Manas महा मनस्, le grand mental,
 à la transcendance de l’intellect Buddhi बुद्धि par la Buddhi supérieure, l’intelligence lumineuse, permettant les compréhensions intellectuelles métaphysiques les plus pointues ainsi que la perception de la réalité qui se cache sous les phénomènes. Manas et Buddhi permettant un changement intérieur total de l’être,
 à l’aspect ritualiste issu de la tradition védique permettant l’activation du cœur par la dévotion).

Le but à toutes ces pratiques est d’activer chez l’aspirant le plan divin.

En ce qui concerne le rituel, le yogi interagit avec le sacré soit dans le plan extérieur par des Pūjā पूजा, (cérémonies utilisant des instruments, gestes codifiés, Mantra मन्त्र , offrandes, bénédictions des éléments ou des déités), soit dans un plan intériorisé avec les pratiques méditatives et contemplatives.
voir conférence « L’impact du sacré & conférence « Le rite Védique ».

Dans le sacrifice intérieur, toutes les fonctions physiologiques, énergétiques et psychiques remplaceront les ingrédients du rituel.

Le yoga est un système pratique mystique et de ce fait, libérateur des doctrines. Bien que différencié de la religion, il en est un point subliminal et culminant des pratiques hindouistes.

Dans notre patient travail à éveiller la Kuṇḍalinī, nous allons agir sur :
 les aspects physiques par le travail postural que sont les Āsana आसन,
 les techniques de concentrations poussées,
 le contrôle énergétique du Prāṇa प्राण permettant l’activation des centres subtils que sont les Nāḍī नाडी et les cakra चक्र,
 les techniques de visualisation et d’activation des centres supérieurs en vue d’obtenir des états modifiés de la conscience.
Mais pour soutenir ces pratiques parfois très ardues, nous faisons parallèlement un apprentissage théorique et progressif des grands principes qui justifient le sens de ces pratiques.

L’éveil de la Kuṇḍalinī fait partie des pratiques les plus puissantes du yoga, ce n’est pas une voie secondaire. Il est donc important de redéfinir régulièrement avec vous sa dimension métaphysique.

Les yogis la considèrent comme la voie royale.

Ils considèrent l’éveil de cette énergie cosmique capable d’être la source de tous les pouvoirs. Cette force incommensurable siège à l’état latent en chaque être humain, sous forme rétractée, endormie, souterraine.

Cette énergie consciente permet à la vie d’être régie par deux aspects ;
le Prāṇa, l’énergie vitale et sa nature expansive et Vīrya वीर्य, la vigueur, la puissance en acte de ce Prāṇa.
Lorsque ces deux aspects de la vitalité s’unissent dans un équilibre parfait (sāmarasya सारअस्य, il y a pleine réalisation de cette énergie unique et supérieure. Cette énergie est source de béatitude lorsque la vie de l’instinct est transcendée et unifiée par la vie consciente et spirituelle.
Vīrya est donc le principe source qui active le Prāṇa dans toute forme de création, viscérale, artistique, mystique.

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Dans la tradition tantrique d’où vient la symbolique du couple Śivā शिवा- Śakti शक्ति, Śivā est la conscience et Śakti l’énergie fondamentale. Ils sont indissociés.
L’efficience de Śivā शिवा est Virya.
C’est cette capacité de Śivā suffisamment puissante pour produire ou révéler l’effet de la Śakti.

Lorsque Śivā entre en action pour révéler cette Śakti, il peut être représenté comme Naṭarāja नटराज, le seigneur de la Danse.
Sa danse mystique, libre et spontanée, a pour scène à la fois l’univers et le cœur de l’homme.
Cette danse s’appelle Ānanda Tāṇḍava आनन्द ताण्डव, la danse extatique ou danse de la félicité. Śivā sous cette représentation devient la déité inspiratrice des danseurs du Bharata Nāṭyam.
Clin d’œil à notre amie spirituelle danseuse du conservatoire qui ne peut être là ce soir...

Dans cette représentation iconographique, Naṭarāja est représenté debout sur un piédestal de lotus. Il est le danseur cosmique en action. Autour de lui, un grand cercle de flammes indiquant la succession des cycles cosmiques. Les flammes représentent de même l’ensemble des mondes qui furent détruits par lui lorsque les hommes apportèrent le chaos. 
Il est ici le double principe destructeur-créateur.
Sa jambe gauche relevée indique la dynamique de sa danse présente et le maintien actuel du monde des hommes.
Sous son pied droit, il écrase le nain Apasmārapuruṣa représentant l’ignorance humaine associée à l’oubli de la nature divine.

Comme grand nombre de divinités, il a quatre bras qui représentent les quatre Veda वेद.
De sa main droite inférieure, il fait le mudrā मुद्रा Abhaya अभय, geste de protection et de courage. De sa main gauche, il indique son pied relevé. Sa jambe levée symbolise l’espoir de libération Mokṣa मोक्ष obtenue par la réalisation spirituelle. L’autre sens de ce geste indique la possibilité qu’il puisse arrêter sa danse cosmique en abaissant son pied, plongeant le monde dans le néant et le silence absolu, « la nuit de Śivā », si les hommes ramenaient le chaos une fois de plus.
Dans sa main supérieure droite, il tient le Ḍamaru डमरु, le tambourin, symbole à la fois du temps et du sablier. Il indique de même le rythme cosmique et la création du phonème sacré, initiateur du verbe, le Praṇava प्रणव Aum औम्. Ce verbe initial pénètre la matière endormie, la Prakṛti प्रकृति, lorsque après des temps immémoriaux de répit (Mahākalpa महाकल्प), elle doit être réanimée.

Dans sa main supérieure gauche, il tient la flamme du monde actuel, symbolisée par le dieu Agni अग्नि.
Cette symbolique est connue par beaucoup d’entre-vous en terme de mythologie cosmogonique.
Mais il nous faut pousser un peu plus loin son approche.

Ḍamaru, le tambourin, génère les vibrations sonores d’où émanent le temps, l’espace et l’univers.
Śivā dans son tourbillon, entraîne le monde tout entier. Le mouvement de sa danse cache l’essence de sa nature immuable et impassible et révèle Vīrya, son ardeur.

« Il fait tournoyer autour de lui les flammes de la manifestation.
Le feu, qui anéantit tout, révèle aussi le manifesté. Il est le foyer de toutes les puissances.
Le danseur se tient immobile au centre de sa double activité de créateur et de destructeur. Il peut ainsi déployer, impassible, les énergies les plus extrêmes, les mouvements les plus opposés. Il est là à la fois, le principe de la résorption, de la grâce, de la rétraction et de l’épanouissement » nous dit Lilian Silburn.

Son énergie indissociée n’est rien d’autre que la grande Śakti, Kuṇḍalinī elle-même, source de toutes les énergies, de toutes les vibrations et rythmes de l’existence. Son rôle est de propager à l’univers entier le rythme de cette danse cosmique.

Considérée par les yogis comme la vibration primordiale pouvant vibrer à très haute fréquence, elle engendre tout le manifesté des plans grossiers aux plus subtils.
Pour l’être humain, elle est fondamentale à ses aspirations et capacités par la possibilité extatique du divin qu’elle peut produire en lui.
Transcendant le corps, les organes des sens (Tanmātra तन्मात्र), transcendant le mental et l’intellect, elle ne s’exprime alors que par jouissance permettant à l’homme de vibrer à l’unisson avec l’univers absolu.

En tant que vibration primordiale, elle est en toute chose.
Dans l’eau qui frémit, dans le mouvement du vent, des nuages, de la lumière qui rebondit, elle est dans l’infinité des nuances de cette manifestation.

Kuṇḍalinī énergie cosmique est présente dans toutes les vibrations possibles aux fréquences infiniment diverses.

Subtile, intense, énergétique à l’intérieur d’une forme, elle est Spanda स्पन्द, ce qui vibre.
Elle est sphurattā स्फुरत्त quand elle devient une vibration lumineuse.
Elle est nāda नाद quand elle devient sonore et résonnante.
Elle est tout cela aussi bien dans le monde extérieur manifesté que dans la forme individualisée de l’homme. Par sa danse cosmique, Śivā exprime le rythme primordial divin qui est à l’origine des mouvements universels.

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Au vu de sa nature illimitée, on parle rarement du cœur de l’absolu.
Ce cœur de l’absolu parfois cité comme le "cœur divin", est assimilé à un éther vide, sans dualité, appelé Kha ख ( le vide ) et identique à Spanda, la vibration initiale.
Tous les mondes y naissent et y meurent.

Il est dit : "de Kha jaillit la béatitude, l’état sans dualité où l’on atteint la vibration première et ultime spanda".
« Atteindre le spanda », c’est atteindre l’efficience de l’absolu, c’est-à-dire sa capacité à être immuable et non manifesté tout comme à se déployer par la manifestation.

Le corps endormi est la demeure des dieux endormis.
Réveiller la Kuṇḍalinī, c’est réveiller les énergies divines en nous.
Les contractions et expansions ininterrompues des énergies divines sont dues
à cette conscience non duale, absolue associée à la vibration subtile et ultime.

S’il fallait résumer :
Cœur divin (kha), vibration initiale (spanda, énergie), essor (manifestation Prakṛti प्रकृति), ferveur (Vīrya, capacité à agir) et enfin onde (propagation de la vie) sont tous les aspects de cette conscience absolue.

A l’échelle humaine, la pratique mystique avec un cœur purifié donnant l’ impulsion créatrice à toute vie avec amour permet à la luminosité divine de rayonner paisiblement en lui tout en permettant la prise de conscience du Soi.

Comment cette Kuṇḍalinī de nature cosmique et illimitée se retrouve-t-elle en l’état rétracté dans le corps de l’être humain ?

La descente de cette « conscience-énergie primordiale indifférenciée » dans le corps humain sous forme d’une « énergie différenciée et endormie »se fait par l’occultation progressive qu’entraîne le processus de la manifestation.
Nous naissons fœtus et enfant avant de grandir.
Physiquement, énergiquement, consciemment, nous naissons occultés.

L’énergie cosmique, émettrice du monde universel, se révèle jusqu’à ses confins. Dans l’être humain, elle le fait sous forme d’un être asservi (paśu पशु). L’humain est enchaîné à la temporalité (il naît mais il doit mourir) ainsi qu’à l’ignorance de sa véritable origine Avidyā अविद्या .

Dans ce processus d’obscurcissement progressif, l’énergie consciente et illimitée va se voiler progressivement pour prendre des formes plus limitées. Elle va se « déséthériser » pour prendre forme dans les tatva तत्व ( les cinq éléments), dans les tanmātra pour prendre enfin la nature d’une existence relative différenciée.
Cachant ainsi sa nature illimitée et divine, elle trompe le paśu enchainé à sa vie relative.
Pourtant, ce sont ces mêmes énergies qui, intériorisées et sublimées par la puissante voie du yoga et de la pratique méditative peuvent estomper la dualité en dévoilant le plan divin et subtil de l’indifférenciation.
État qui livre la connaissance suprême par le retour de l’énergie créatrice à son état de conscience absolue.
La Kuṇḍalinī rejoint enfin son état de vibration initiale, le Spanda स्पन्द.

Hari om tat sat
Jaya Yogācārya

Bibliographie :
 « La puissance du serpent » d’Arthur Avalon aux edts Dervy
 « La Kuṇḍalinī » par Lilian Silburn aux edts les Deux océans
 adaptation et commentaire apr Jaya yogacharya

©Centre Jaya de Yoga Vedanta Ile de la Réunion

Messages

  • Merci pour la clarté de cet article ....
    .il arrive à point alors que je cherchais à comprendre les liens et rechercher "spanda" dans mes pratiques
    Namaste
    Claire

  • Nous sommes aujourd’hui confrontés à de sérieux problèmes environnementaux, énergétiques, climatiques, géopolitiques, sociaux et économiques qui ont franchi des points de non-retour.
    Selon Lester Brown Fondateur du Worldwatch Institute "Notre civilisation est aujourd’hui sur une trajectoire économique qui n’est pas soutenable, sur un chemin qui nous mène droit vers le déclin économique, voire l’effondrement."
    La "nuit de Shiva" est-elle proche ?
    Merci Jaya pour vos précieux enseignements

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