Śrī Śrī Śrī Satcitānanda श्री सच्चिदानन्द yogi de Madras, dit le silencieux était un maunī मौनी : un sage retiré dans le silence depuis plus de quarante ans.
Cet enseignement, Ramaṇa Maharṣi रमण महर्षि l’a exposé dans "Sois ce que tu es".
« Comment naît la parole ?
Il y a d’abord une connaissance abstraite. A partir de là s’élève l’ego, qui à son tour, donne naissance à la pensée, et celle-ci au mot parlé. Ce qui fait que le mot est l’arrière-petit-fils de la source originale voir Saṃkhyā. Si le mot peut produire un effet, jugez par vous-même combien l’enseignement silencieux doit être plus efficace.
Quelqu’un de réalisé envoie des vagues d’influence spirituelle qui attirent de nombreux êtres vers lui, même s’il est assis dans une grotte en silence complet... Pas besoin pour lui de se mêler à la foule. Si nécessaire il peut même utiliser les autres comme instrument.
Le Guide est celui qui répand le silence porteur de la lumière de la connaissance du Soi. Dakṣiṇāmūrti दक्षिणामूर्ति observait le silence quand ses disciples l’approchaient. C’est la plus haute forme d’initiation. Elle inclut toutes les autres. Dans les autres initiations il y a nécessairement une relation sujet, regard, contact, enseignement. Elle purifie l’individu dans tous les domaines et l’établit dans la réalité. Détruire le sentiment d’être le disciple, voilà le rôle du maître... Si l’on recherche l’individualité, on ne la trouvera nulle part. Tel est le Maître. Tel est Dakṣiṇāmūrti दक्षिणामूर्ति... Il gardait le silence et les disciples voyaient leurs doutes dissipés, ce qui veut dire qu’ils avaient perdu le sens de leur individualité. C’est cela la connaissance, et pas tout le verbiage qui y est ordinairement ajouté...
Le silence ne cesse de parler. C’est un courant continuel qui n’est interrompu que par la parole. Les mots que je prononce font obstacle au langage muet. Prenez par exemple le courant électrique dans un fil. S’il y a une résistance sur son passage, il brille dans le cas d’une lampe, ou tourne dans le cas d’un ventilateur. Dans le fil il demeure à l’état d’énergie électrique. Il en est de même avec le silence qui est le flux du langage, tandis que les mots sont des résistances.
Ce que l’on n’est pas capable de connaître, même après des années de conversations, peut être appréhendé instantanément dans le silence ou en face du silence. Dakshinamurti et ses quatre disciples en sont un bon exemple. Le silence est le plus haut et le plus efficace des langages...
Le sage a déjà vaincu l’esprit et demeure établi dans la paix. Dans son voisinage les tendances mentales latentes, Vasana वसन cessent d’être actives, le mental s’apaise et s’absorbe en Samādhi समाधि. Par la présence du maître, le disciple acquiert la connaissance véritable et l’expérience correcte. »
Ramaṇa Maharṣi Extraits de "Sois ce que tu es", J. Maison neuve, 1992
©Centre Jaya de Yoga Vedanta Ile de la Réunion
Messages
1. Qu’est ce qu’un muni ?, 21 juin 2008, 02:01, par Tarik
La première question qui vient à l’esprit après la lecture d’un tel article, c’est comment dans le contexte actuel, rester silencieux, alors que tout autour de nous est bruit et paroles, j’ai souvent l’impression que la philosophie yogique préconise un état inaccessible, utopique, où il aurait fallu fuir et vivre en ermite pour connaitre ne serait-ce qu’un dixième des bienfaits procurés.
Ma question ici, c’est : comment par exemple peut-on concilier le silence à l’intérieur d’une société qui nous demande de briser le silence pour continuer d’exister au sein d’elle.
Plus clairement : l’illustre exemple du "muni" est-il concevable en admettant qu’il soit ancré dans la société contemporaine, où s’exclure est très difficilement réalisable à moins de vivre dans une extrême pauvreté ?
Pour faire simple et en guise de conclusion : selon l’acception du muni que l’article propose, nous est-il possible d’être sages aujourd’hui ?