Non réagir et Connaître !
Conférence donnée par Jaya en cours de méditation le 13//03/2005
– La pratique méditative, pour être effective, se doit d’être régulière et persévérante.
De tous temps, les sages ont parlé de la souffrance de l’homme, de son incapacité à trouver le bonheur en lui et à connaître sa véritable Nature.
L’homme possède en lui une détresse existentielle.
La Méditation a pour objectif d’éliminer cette souffrance.
Tout aspirant à cette voie se devra donc de commencer par un des apprentissages les plus difficiles qui soit, à savoir la pratique de longue haleine qu’est l’attention.
Il lui sera donc demandé d’être le témoin objectif de ses pensées. Il devra donc apprendre dans un premier temps à identifier leurs énergies particulières et surtout les états d’esprit qu’elles créent. Pour de nombreux méditants débutants ou plus avancés, les pensées sont de grands obstacles. Elles nous emmènent dans le passé, le futur, et avec elles viennent des états d’esprit de peur, de doute, d’aversion, de désir, de solitude, de torpeur, etc.
Bref, chacun fait son film ! De quelques minutes à plusieurs semaines, le mental "se la joue"
Être un témoin objectif dans la méditation consiste, après avoir identifier la nature de ses pensées, à ne pas jouer leur jeu. Il ne doit donc y avoir aucune identification à ces dernières. C’est là que commence la vraie connaissance de nos mécanismes mentaux, or notre souffrance vient le plus souvent de leur ignorance. Nous sommes des êtres incapables de nous abandonner dans l’instant présent, incapables d’éprouver le soulagement qui procure le lâcher-prise, ne fut-ce que l’instant de méditation. Cette incapacité ferme la porte à l’événement subtil susceptible d’ arriver.
Nous percevons le monde et sa réalité avec des verres colorés. Nous voyons les choses telles que nous voulons qu’elles soient et non telles qu’elles sont véritablement. Nous avons une propension à rajouter des problèmes supplémentaires aux problèmes déjà existants et qui se suffisent à eux mêmes.
– Dans la vie, lorsque nous voulons acquérir quelque chose de nouveau, des connaissances, des biens ou des situations, nous rassemblons toute notre énergie vers un même but.
La plupart des gens d’ailleurs nous jugeront sur le résultat final de nos efforts.
Toute notre énergie est orientée vers un résultat, et nous travaillons dur pour lui, à tel point que c’est lui et non notre qualité de vie, notre façon de vivre qui deviennent le plus important.
Voilà déjà une aberration. Lorsque nous nous tournons vers la voie spirituelle, nous pensons que la sagesse et la paix intérieure sont des biens à acquérir, des buts à atteindre. En fait, la paix ne peut venir en vous que si vous abandonnez sa quête. La méditation ne consiste pas tant à atteindre la paix mais à enlever les obstacles à cette paix qui est supposée être en nous.
C’est un long travail que cela. Changer ses habitudes, ses réactions quotidiennes, son opinion sur ce que devrait être la vie, voilà le cahier des charges. Or quand nous sommes déjà sur cette voie de la connaissance de Soi, parfois nous voulons tellement bien faire que nous ne faisons qu’enraciner un peu plus les tensions et les doutes en nous.
Alors la méditation devient une "corvée".
Mais nous la pratiquons, nous avons tellement lu à son sujet sur les fabuleux fruits qu’elle apporte. Alors on se dit au plus profond de nous que ces efforts seront largement récompensés. Et là encore, tout est faux, là encore, le méditant a un comportement infantile.
Car il n’y a rien à atteindre et il n’y a pas de récompense !
– Arrêtez de courir pour acquérir, pour atteindre, pour réussir quelque chose. La paix ne peut venir que lorsqu’on commence à se libérer du désir de trop bien faire. Très tôt dans l’enfance, la famille et la société nous formatent à cet archétype de la réussite. Si ce processus doit être mis en œuvre et est nécessaire pour notre vie profane et sociale, il n’a pas lieu d’être dans la méditation.
– Arrêtez donc, débrayez le moteur. Arrêtez d’entretenir en vous, dans la méditation, ces mécanismes d’identification et donc de souffrance ou de plaisir qu’apporte l’idéalisme. Abordez la Méditation sans idées préconçues.
– Accordez-vous cet espace-temps pour ne pas tendre vers un but. Et cessez de vous juger par rapport à ce but. Vous n’arrêtez pas à longueur de journée de vous comparer à un idéal.
– Déracinez vos carcans mentaux et simplement observez. Ce doit être là votre seul travail.
La réalité est un champ où tout fluctue, tout change. Le corps et l’esprit sont en perpétuel changement, les idées vont et viennent, les émotions surgissent et disparaissent, les sensations de même, l’esprit est constamment en mouvement.
Observez la réalité telle qu’elle est. Abandonnez vos images de vous-même, vos constructions mentales.
Mettez à la corbeille votre ficher Perso
et n’essayez pas de vous concentrer sur cette réalité comme un guerrier aux aguets au point de mourir sur le champ de bataille de la méditation. Soyez plutôt doux, bienveillant.
Abandonnez le culte de vous-même.
Lâchez vos attachements, et acceptez vos frustrations, vos insatisfactions.
Alors là, vous pourrez laisser les choses venir, et laisser monter en vous ce quelque chose qui ne relève pas de toutes ces tensions, à savoir l’amour. L’amour du monde, des autres, de soi.
– Combattre nos conditionnements est chose difficile. Si nous voulons rester nous-même dans les situations de la vie alors nous devons commencer par le rester dans la méditation. Nous sommes en permanence en train de nous soumettre aux règles sociales. Ne confondez pas le lâcher-prise avec cette soumission. S’abandonner c’est s’ouvrir à ce qui est, à ce qui peut devenir.
Ce qui Est, Sera. Apprenez à vous ouvrir à l’expérience spirituelle sans intention, en abandonnant ce besoin d’identité. Laissez faire les choses, pour une fois.
Il n’y a qu’ainsi que le silence et la vision intuitive peuvent s’installer en vous ! Mais cela est difficile de le permettre.
Qui s’accorde vraiment le droit d’exister ?
Le silence de la Méditation est un cliché photographique sur cette incapacité.
Permettre est un acte important.
Quand vous travaillez dans la non-réaction aux sensations dans la méditation profonde, alors vous mettez le doigt justement sur cette notion de permissivité. Paradoxal, n’est-ce pas ?
– Le corps est formé des cinq éléments : Prithivi (terre), Apas (eau), Agni (feu), Vayu (air), Akasha (éther). Ils caractérisent en nous les qualités d’expansion, de cohésion, de vibration, de fluidité, et de conscience. Dans la méditation, ce sont eux qui créent ces sensations de chaleur, de légèreté, d’expansion, de contraction, de lourdeur, de petitesse, etc. Ces sensations peuvent donc être agréables ou désagréables. Nous ne cessons d’y réagir. Dans la méditation, "permettre", c’est les laisser surgir mais aussi disparaître . Leur réagir, c’est engendrer tous les facteurs de déstabilisation, à savoir les pensées, les émotions, les attractions et rejets.
Ne pas Réagir, mais Connaître ! voilà l’expérience profonde de la méditation.
– Comment donc cette pratique spirituelle peut-elle apporter des changements dans vos comportements ? Si vous méditez régulièrement, l’apprentissage de la non-réaction aux sensations vous initiera à l’art d’abandonner les réactions impropres que vous avez dans votre vie et qui n’amènent que la souffrance.
– La purification du corps et de l’esprit est en action lorsque la conscience circule librement en vous, dans votre chair comme dans votre mental. Toutes les zones sombres et invisibles, insensibles doivent être éclairées. Mais acquérir de bonnes facultés de concentration sans réflexion profonde n’est pas suffisant.
L’on ne peut juger de la qualité de sa méditation et de ses progrès spirituels au seul fait de notre endurance à rester immobile et concentré sur un support.
Nous devons faire l’expérience du Réel dans notre chair, car c’est là que la réalité commence.
Observez-vous vraiment, décelez tous vos mécanismes qui tentent en permanence de compenser vos inconforts ou satisfaire vos désirs.
Il y a beaucoup de souffrance dans nos tentatives mais elles sont louables.
Les sages vous le diront ; La souffrance est une vérité universelle qui devient une Noble vérité lorsqu’on est capable de l’observer en nous et de ne pas réagir
Chaque réaction mentale est une graine qui donnera des fruits. Toutes vos expériences sont les fruits de vos réactions passées. Tout fluctue en vous. La méditation est l’occasion de faire l’expérience de la non-permanence du monde manifesté, Maya.
– C’est là, dans cette observation, que l’on commence à acquérir une sagesse véritable et bien réelle.
Le Méditant est alors apte à développer la perception subtile des principes conscients supérieurs.
Et quelle est cette Conscience ? Quelle est sa Qualité, quelle est sa Nature ?
Seul, ce qui est sans qualité, sans forme ni nom, relève de l’Absolu et du Permanent. C’est le Brahman du Védanta, non différencié, infini.
De la même façon que la lune reflète en fait la vraie lumière du soleil, Maya, le monde manifesté, n’est que la réflexion de cet absolu.
Reflété par Maya, l’Absolu se pare alors des qualités que veulent bien lui donner les hommes.
La différence entre vous et cet absolu n’est qu’apparente. Voilé par les illusions du corps et du mental, l’homme est pris dans l’engrenage de la détresse existentielle et lié aux fruits de ses actions ; à commencer par ses réactions.
Seul, le Ciel est infiniment libre !
Alors, hissez-vous jusqu’à lui, et abandonner cette poursuite vers l’obscurité de vos justifications. Pratiquez.
"Acharné jour et nuit à scruter mon destin,
Je ne sais d’où je viens, je ne sais où je vais.
Pourquoi mon existence ? Pour quel exil ?
Mais non, je sais, venu de là-haut, je dois y retourner.
Je suis le rossignol du paradis, en cage pour quelques jours.
Diwan de Rumi (Odes Mystiques-Anthologie persane chez Payot -traduction H.Massé)
Jaya Yogacharya