« L’opinion d’autrui »
Conférence donnée par Jaya le 31 janvier 2014 en cours de méditation
L’opinion d’autrui
Nous voilà de nouveau réunis pour avancer sur ce chemin abrupt de la connaissance spirituelle.
Les chercheurs que nous sommes sont finalement peu.
Nous sommes rares, uniques en soi, car notre quête de la connaissance spirituelle est exigeante.
Pour un vrai chercheur, toutes les contingences inévitables de la vie (physique, mentale, psychologique, sociale, professionnelle) ne doivent pas être des obstacles. La quête de l’unicité, de l’intégration de notre moi avec l’univers, nécessite d’essayer de réfléchir aux voies et moyens pour convertir tous les aspects de notre existence, afin qu’ils ne soient pas des entraves mais des soutiens à notre pratique spirituelle.
Ce qui est votre plus grand bien, bien plus précieux que l’or et l’argent, est votre mental.
Certes, toute la littérature yoguique vous invite à déchiffrer ses mécanismes, le contrôler, le dépasser, ne pas s’identifier à lui. Le même travail est aussi demandé pour l’égo. De même qu’il nous faut déraciner une grande partie de notre égo et en garder une infime partie pour nous affirmer, de même notre mental, bien que trop souvent nocif pour nous-mêmes, peut être en soi un allié. A condition de l’éduquer.
Votre mental peut être un ami toujours disponible, jour et nuit.
Même quand vous êtes seul, abandonné, impuissant, dans une détresse ou une situation critique, votre mental est à portée de main pour vous montrer le chemin.
Si vous êtes irréfléchi, insensé, in-avisé, égoïste, si vous n’avez pas saisi toute la portée des enseignements sacrés, vous serez toujours en lutte avec lui.
Et vous vous direz alors : « je voudrais être quelqu’un de bien mais mon mental est mauvais et il ne me permet pas de me comporter correctement. En réalité je suis quelqu’un de bien mais mon mental me tire vers le bas. Il me fait faire n’importe quoi, ou dire n’importe quoi. »
Votre mental n’ayant pas été suffisamment éduqué par la connaissance de soi, vous avez du mal à lui reconnaître sa précieuse valeur.
Le mental est Para-shakti, une énergie suprême. Il est un don de la vie à l’âme individuelle. Il peut vous octroyer l’élévation.
Il n’y a rien au monde qui soit aussi constamment à votre entière disposition, si continuellement présent, prêt à vous obéir et à vous aider.
De même que la carrière d’un pianiste dépendra de ses mains, celle d’un artisan de ses outils, de même le chercheur spirituel doit protéger scrupuleusement tous les outils nécessaires à son cheminement.
Votre mental est un de ces outils précieux. Il vous faut donc en prendre soin en l’éduquant, en le traitant avec respect.
Quels sont ses ennemis ?
*Rajo-guna, la tendance à la passion et au trouble.
*Tamo-guna, la tendance à l’inertie et à l’obscurité.
Ses ennemis sont les attractions extérieures et la tendance des organes des sens à consommer systématiquement tous les objets sensibles. Ses ennemis reposent dans l’être inférieur, la colère, l’avidité, l’oisiveté, la débauche.
Occupez-vous donc à donner à votre mental des activités élévatrices. Restez en bonne compagnie, fortifiez-le, nourrissez-le de connaissance subtile, tournez-vous vers les arts nobles. Ne le laissez pas aux mains de votre être instinctif et inférieur.
C’est la paresse qui ruine le mental. Donnez-vous du mal. Travaillez à cette situation intérieure qui est la vôtre.
Soyez le meilleur ami de votre mental, et il remplira son vrai rôle, il vous rendra authentique et joyeux de l’être.
Lorsque nous observons les êtres humains, la plupart fonctionnent presque de façon mécanique, actionnés par des habitudes et peu conscients de ce qui se passe dans le réel.
Rajneesh nous raconte cette histoire.
Un jour , Mulla Nasruddin lut dans une revue, une petite publicité poétique qu’il apprécia beaucoup :
« Monsieur, pourquoi ne pas acheter
quelques jolies fleurs de l’été ?
Emmenez-les par un jour sans joie,
pour mettre un sourire sous votre toit.
Offrez-les donc à votre femme,
elles lui parleront de votre flamme. »
Mulla Nasruddin s’exécuta sans hésiter une seconde. Il acheta un petit bouquet de roses et se rendit chez-lui.
Contrairement à son habitude, il frappa à la porte au lieu d’entrer sans s’annoncer. Sa femme vint ouvrir et éclata en sanglots en le voyant, un bouquet à la main.
« Mais qu’as-tu donc ? s’inquiéta Mulla Nasruddin.
« Tout va mal aujourd’hui, hoqueta-t-elle. J’ai cassé la théière, le bébé a hurlé pendant des heures, la bonne a remis son tablier et voilà que tu rentres plus saoul que jamais ! »
C’est cela être une machine : fonctionner sans être conscient, ne pas percevoir le réel. C’est réagir sous la dictée de ses pensées, de ses souvenirs, de ses projections, de ses peurs, de ses désirs, de son passé.
Nous avons beaucoup de mal à regarder les choses telles qu’elles sont ici et maintenant. Nous regardons les choses avec les lunettes du passé, en interprétant à coup de souvenirs, à coup de clichés, d’idées préconçues.
Dans cette histoire, la femme de Nasruddin voit l’ivrognerie de son mari le jour où celui-ci rentre sobre. Comment savoir qu’un homme est alcoolique si vous ne l’avez jamais vu qu’en état d’ébriété.
Quant à Nasruddin, il décide de partager son élan amoureux et poétique avec sa femme sans conscience de la dure réalité de cette dernière à ce moment là.
Beaucoup d’entre-nous, fonctionnons comme des machines, comme des robots.
Allons plus profondément dans vos mécanismes mentaux pour vous montrer à quel point vous faites de votre mental votre pire ennemi.
En permanence, nous brandissons et parfois malgré nous, des étiquettes sur autrui. Supposons que vous rencontriez un homme dont la vibration vous plaît spontanément. Vous échangez quelques paroles, et l’inconnu vous semble vraiment attachant. Mais à un moment donné, vous apprenez que c’est un repris de justice. Terminé ! Il ne reste plus rien de votre sympathie. Vous vous contractez, vous vous retranchez dans la petite boite « prisonnier » ? Vous êtes bien, lui est mauvais. La réalité de cet homme ne vous intéresse plus du tout.
Cette réalité est un démenti de vos convictions, de vos catégories mentales ?
Il faut donc très vite éliminer cet homme de votre sphère. Il se peut toutefois que cela soit judicieux. Mais votre mental ne lui a pas donné sa chance.
Nous faisons cela en permanence. Si vous étiez Juif et qu’il soit Palestinien, cela serait identique.
Nous faisons de-même en ce qui concerne les différences de classes sociales.
Nous éliminons plus facilement quelqu’un d’une classe sociale différente. Si la personne est plus riche, soit vous validerez la personne à vos yeux même si elle n’en vaut pas la peine ou ne la validerez pas par gène ou complexe. Si vous êtes très aisé, vous ne traînerez pas avec des « petites gens » comme le terme péjoratif le déclare.
Même si cela est inconscient ou très bref, cela existe en vous.
C’est cela se comporter comme un robot.
Beaucoup d’entre-nous sommes finalement un amalgame des opinions d’autrui.
Si c’est le cas, c’est que nous n’existons pas encore pleinement que par nous.
Mais qui êtes-vous au juste ?
Les uns vous trouvent à leur goût, et vous vous sentez séduisant.
D’autres vous trouvent fade, et vous vous sentez laid.
Pour celui-ci vous êtes incroyable, et vous vous sentez exceptionnel. Pour celui -là, vous êtes à fuir ou d’une banalité affolante.
Les gens vous collent des qualités et vous les gardez précieusement pour façonner à vos propres yeux une image de vous.
C’est pour cela que nous nous sentons parfois si divisé, si ambigu, si incohérent.
Nous sommes la poubelle des avis d’autrui et notre mental inférieur valide cela. Alors nous avons peur du regard de l’autre et sommes à sa merci.
La société nous a éduqués ainsi.
Pour être apprécié, il faut se soumettre aux règles et cela dès l’enfance.
Le piège crée par les gens de pouvoir dans notre système social est fait de récompenses, de promotions, d’honneurs et de promesses.
Mais l’homme libre ne peut pas jouer ce jeu là. L’homme libre est conscient du mécanisme d’asservissement.
Votre image est donc très souvent un produit social, et si vous ne vous conformez plus à ce que les autres attendent, alors vous serez détruit en quelques instants.
Pourquoi, parce que vous n’existez pas encore pleinement par vous-même.
Vous assimilez les louanges et vomissez les critiques.
Aucun jugement extérieur ne peut faire que vous soyez quelqu’un de bien ou de pas bien.
Vous seul faites de vous-même ce que vous êtes.
Cessons de subir l’opinion des autres à notre sujet, qu’elle soit bonne ou mauvaise.
A nos débuts de la pratique spirituelle et avec la lourde responsabilité de ce Centre, Maheswari et moi-même nous sommes retrouvées, enfermées dans
l’image que nos élèves projetaient sur nous.
Dieu soit loué ! Nous avons su mettre un terme à cela et ne jamais jouer leur jeu.
Supposons que vous me disiez que je suis une grande yogini !
Cela va me faire plaisir ! Hélas !
Hélas ! car vous invitez mon mental à s’identifier à un modèle parfait. Et dans ce modèle parfait, vous y mettez des interdits ou des autorisations. Or, si je dois me comporter comme ce modèle, comment vais-je faire pour être détendue et moi-même. Vais-je être en accord entre ma vie privée et ma vie publique ? Me faudra-t il alors sortir dans la rue habillée en yogini et ne jamais répondre à une invitation conviviale sous peine de trop de familiarité avec vous ?
Il n’ y a pas un look de yogi. Vous pouvez être un homme très spirituellement avancé et être au dernier étage de votre building et être peu évolué dans un ashram.
N’acceptez que rarement l’opinion d’autrui.
Dites simplement :
Je suis ce que je suis. Rien de plus, rien de moins.
Alors là, vous pourrez imposer votre vraie valeur et votre être authentique.
Alors ceux qui savent voir, sauront qui vous êtes.
Personne à ce moment là, ne pourra vous gouverner.
Quant à votre mental, si vous tentez de l’éduquer, il sera moins souvent divisé et déséquilibré. Il doutera de moins en moins de lui et deviendra comme les autres outils précieux du chemin spirituel, un des moyens pour tendre vers le divin.
Vous vous intégrerez davantage alors avec l’univers et connaîtrez enfin le sens de votre vie.
Hari Om tat Sat
Jaya Yogacharya
Bibliographie :
« Contemplez ces vérités » de Swami Chidananda aux edt « Terres du ciel ».
« Le Chant Royal de Saraha » de Osho Rajneesh aux edts « Le voyage intérieur »
Commentaires et adaptation de Jaya Yogacharya.
Messages
1. L’opinion d’autrui, 12 février 2014, 08:06, par claire
Bonjour Jaya,
Comme tout devient plus limpide lorsque nous quittons le Centre et comme toujours, après, émergent des pensées...
Il faut "revoir notre copie".
Si l’on devait se conformer scrupuleusement aux concepts visant la quasi totale destruction de notre égo, qu’en serait-il du système d’éducation de nos enfants auxquels, aujourd’hui, nous avons donné l’habitude du compliment et de leur mise en valeur dans le but de les "motiver" ? Sachant que ce système sera transmis aux enfants de nos enfants... Pourtant, cet héritage ne nous a pas été forcément transmis. Les générations de nos parents et grands parents étaient plutôt "avares" en compliments.
On disait alors "Je me suis fait tout seul !"
Comment ne pas s’étonner qu’aujourd’hui tant d’enfants se trouvent en difficulté ?!
La responsabilité des parents est énorme.
Il faut cesser de considérer et de traiter nos enfants comme des princes ou princesses, de les surprotéger.
Pour terminer je vais appliquer ce que vous avez mis en exergue en ne vous "remerciant pas"de cette magnifique conférence...
Très cordialement à vous
Claire
1. L’opinion d’autrui, 12 février 2014, 13:29, par Jaya
En effet, l’éducation se doit de préparer l’individu à affronter la dureté du monde. Or nous fonctionnons encore aujourd’hui dans l’idéologie de la croissance et du toujours plus, alors que devrait s’inverser déjà le processus. Nos enfants devront faire face à une multitude d’individus qui ne seront pas prêts à freiner leurs besoins dans une société économiquement affaiblie par la dette mondiale et la récession des ressources naturelles.
Il y aura donc une mutation nécessaire. Mais laquelle ?
De plus,les catastrophes naturelles à grande échelle par le réchauffement de la planète sont prévisibles et inévitables. Tout l’éco-système risque fort de changer et vite. La nécessité de consommer moins est déjà là.
L’hyper-conformisme des générations nanties affaiblit considérablement l’individu pour affronter ce monde de demain.
Les guerres subtiles économiques que se feront les pays (qu’ils se font déjà) appauvriront beaucoup de gens. Si l’identification au paraître, la dépendance à l’énergie, et la réalisation personnelle ne fonctionnant que sur médiatisation à grande échelle, est le schéma idéal de nos jeunes générations, cela ne sera pas viable.
Alors pensez-donc un peu au cheminement personnel dans ce champ de bataille. Heureux celui qui l’aura déjà entrepris et qui saura donner à ces enfants les clés pour survivre dans ce nouveau monde.
Tant qu’il y aura des pâquerettes...
2. L’opinion d’autrui, 13 février 2014, 12:34, par claire
Heureusement, beaucoup de personnes conscientes du désastre qui se profile ont, non seulement "levé le pied" du consumérisme mais tenté d’informer et préparer les jeunes générations.
Malheureusement,la mutation ne pourra se faire que dans la violence car ces "guerres subtiles économiques" dont vous parlez finiront par faire descendre les gens dans la rue, excédés qu’ils seront.
Effectivement, "heureux sont ceux qui ont entrepris le cheminement personnel"...
Pour terminer et lue dans une de vos conférences :
– la jolie métaphore de Descamps faisant allusion à "ce petit oiseau au-dessus de nos têtes" !!!
Chaque jour, il chante...
3. L’opinion d’autrui, 18 février 2014, 21:58, par leo
Ton message est très bien formulé, je te félicite pour le chemin que tu as choisi. Pour cela et tout le reste je t’aime et je te serre sur mon coeur. Ta petite soeur
4. L’opinion d’autrui, 19 février 2014, 14:11, par Jaya
Je suppose que vous êtes un chercheur spirituel et si tel est le cas, soyez assuré(e) de ma profonde considération.
hari om
Jaya